[PRIMAIRE DE LA GAUCHE] En meeting ce mercredi à l’Institut National du Judo dans le 14e arrondissement de Paris, Benoît Hamon a prononcé un discours devant près de 3 000 personnes déjà conquises. Entre acclamations et musiques enflammées, le candidat à la primaire de la gauche a répondu à ses détracteurs, à quatre jours du scrutin. Reportage.
« Ce soir, c’est le soir, nous nous battrons jusqu’à la fin ». Ce mercredi, les paroles de la chanson rythmant le meeting de Benoît Hamon en disent long sur les intentions du candidat. Le lieu choisi, l’Institut National du Judo, situé dans le sud de Paris, annonce déjà un combat acharné contre ses adversaires à la primaire socialiste, dont le premier tour se déroule ce dimanche.
La salle est bondée, la foule survoltée. Près de 3 000 personnes ont fait le déplacement. « Ça coupe le souffle, merci d’être aussi nombreux », lâche-t-il devant ses supporters, visiblement ému. C’est le plus grand rassemblement de tous les candidats de la primaire. Ce qui confirme la montée en puissance de Benoît Hamon, qui se place comme le représentant de la vraie gauche, alors que son concurrent Arnaud Montebourg s’exprime au même moment dans le XIXe arrondissement parisien et Manuel Valls à Limoges.
Revenu universel, laïcité et lutte contre les discriminations
Debout au centre de la scène, Benoît Hamon veut « tordre le cou aux critiques » et montrer qu’il peut se hisser au second tour. Il revient sur la polémique qui entoure l’une de ses principales mesures : l’instauration d’un revenu universel d’existence de 750 euros par mois. Récemment accusé d’avoir retiré cette proposition de son site Internet, le candidat a tenu à réaffirmer son souhait de la mettre en place, en cas de victoire, pour pallier « la raréfaction du travail », conséquence de « l’actuelle révolution numérique ». « J’assume de proposer un chemin, le revenu universel permet à chacun d’être autonome, c’est un nouveau pilier de la protection sociale », assure-t-il. Ce projet, chiffré à 400 milliards d’euros, est attaqué de toutes parts. Mais l’ancien ministre de l’Éducation nationale tient la barre. « On dit ‘Hamon veut payer les gens à dormir’, j’observe que dans les rangs du Medef, grâce à la rente, beaucoup sont payés à dormir », a-t-il répliqué.
Le député des Yvelines a également rappelé ses propositions en matière de sécurité. S’il a réaffirmé qu’il saurait se montrer ferme face aux terroristes, il a dénoncé les amalgames stigmatisant l’ensemble de la communauté musulmane. Benoît Hamon en est convaincu, « l’islam a toute sa place dans la société française ». Son passage sur la laïcité et la lutte contre les discriminations a été le plus applaudi. Il a attaqué « les néo-conservateurs » de droite et « parfois de gauche » qui « se servent de la laïcité comme d’un glaive contre les musulmans ». Celui qui a lancé sa campagne à Saint-Denis, en Seine-Saint-Denis, rappelle qu’« aujourd’hui, en France, quand on a la peau noire ou qu’on est Maghrébin, on est contrôlé 7 fois plus souvent ». Lors de son grand oral face aux Jeunes socialistes le 14 janvier dernier, le candidat a proposé en plus de la création d’une « police des discriminations », « que soit expérimenté (…) le récépissé de contrôle d’identité » pour lutter contre le contrôle au faciès.
Enfin, dernier cheval de bataille de Benoît Hamon : la protection de l’environnement. Un thème cher à ses yeux. « Notre modèle productiviste et consumériste met en danger notre planète », dénonce-t-il, en proposant notamment « l’interdiction des perturbateurs endocriniens et des pesticides dangereux pour notre santé ». Le candidat a privilégié la pédagogie autour de ses mesures aux déchaînements de fin de meeting. C’est aussi cela le style Hamon.
« Notre heure est arrivée »
Tout au long de ce discours de plus d’une heure, les nombreux supporters de Benoît Hamon n’ont cessé d’acclamer et d’encourager leur champion. Avec ferveur, ils brandissent les pancartes où figure le fameux slogan du candidat, « Faire battre le cœur de la France ». Certains sont également venus munis de drapeaux tricolores qu’ils agitent en rythme.
Des jeunes, beaucoup de jeunes, ont fait le déplacement, certains n’ont pas encore l’âge de voter. Il y a de la couleur, aussi. « C’est le premier meeting auquel j’assiste, confie Jehanne, cadre de 32 ans. Benoît Hamon m’a convaincue. Je pense que son engagement est sincère ». A ses côtés, son amie Émilie, qui travaille dans le domaine de la santé, partage son avis. Même si elle « pense qu’il a peu de chance d’être élu », elle estime que ses mesures « sont justes et réalistes ».
« On dit, ‘il a de bonnes idées mais il n’est pas présidentiable‘, reconnaît Benoît Hamon à la tribune. (…) Je revendique l’idée que je me fais de la démocratie, de mettre loin cette idée d’homme providentiel, c’est immature, ça n’a aucun sens ». L’orateur s’impose comme le mieux placé pour réussir l’unité de la gauche. Autour de lui, il peut compter sur le soutien de nombreux élus de banlieue, notamment de Seine-Saint-Denis comme Stéphane Troussel, président du département, Mathieu Hanotin, député de Seine-Saint-Denis et directeur de campagne de Benoît Hamon, et Sylvine Thomassin, maire de Bondy. Pour Denis Robiliard, député PS du Loir-et-Cher, « Hamon parle de la vie et de l’avenir des Français. Il invente les solutions de demain et en parle de manière percutante ». Le candidat à la primaire conclut sur une touche poétique en citant Victor Hugo. « Rien n’est plus puissant qu’une idée dont l’heure est arrivée. Notre heure est arrivée », veut croire Benoît Hamon.
Maéva LAHMI
Crédit photo : June Rodrigo