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C’est un de ces mouvements de solidarité qui réchauffe le coeur. Celui qui a commencé il y a 10 jours autour d’un des employés de la cité scolaire Jean-Renoir qui compte près de 2000 élèves. La raison principale : la fin brutale du contrat d’Yves.« Yves ? C’est le monsieur qui gère les photocopies non ? », questionne Amine*, élève de 3ème. Cet homme de 58 ans est effectivement en charge de la reprographie depuis six ans. « Il assure le fonctionnement et l’entretien des photocopieuses qu’il connaît par cœur », explique Tony Lampuré, professeur de mathématiques au lycée, très engagé dans ce mouvement.

Pendant une semaine du 14 au 21 novembre, la cité scolaire bondynoise a été marquée par un mouvement de grève. « Le premier jour, plus de 50% des profs étaient grévistes », affirme, fièrement Tony Lampuré.

« Yves ? C’est un monument à Jean-Renoir ! »

À Jean-Renoir, Yves est très apprécié. Il ferait même partie de ces personnes qui marquent les souvenirs de certains lycéens. C’est le cas de Sara qui a obtenu son bac à Jean-Renoir en 2013. « Yves, c’est un monument à Jean-Renoir ! Lorsque j’avais fait ma rentrée en seconde, c’est la première personne que j’avais vue, du moins c’est lui qui m’avait marquée », se souvient l’ancienne élève. Yves ne souhaite pas s’exprimer, préférant rester dans l’ombre, nous disant simplement qu’il ne veut pas apparaître comme « une star » et que « les stars de cette révolte ce sont les professeurs géniaux et les élèves extraordinaires » de la cité scolaire.

C’est le type de contrat occupé par Yves qui pose problème. Le rectorat nous informe qu’il s’agit d’un CUI, contrat unique d’insertion. Les CUI sont des emplois aidés dont le gouvernement a annoncé la baisse drastique par souci, selon lui, d’économies . « Nous sommes dans l’obligation de suivre la règlementation », affirme le rectorat.

Yves, 58 ans, au chômage le 24 novembre et après ? 

Le contrat d’Yves prendra donc fin ce vendredi 24 novembre 2017. « Depuis plusieurs mois, nous dialoguons avec les différents interlocuteurs, au rectorat notamment, pour trouver une solution puisque ce monsieur sera à la retraite dans deux ans. A son âge, il est compliqué de retrouver un emploi », indique Tony Lampuré. Une solution lui a été proposée : celle d’un poste au secrétariat du Centre d’information et d’orientation de Bondy. Les professeurs sont sceptiques. « On lui propose un contrat de deux mois, seulement il lui faut une solution sur deux ans ». Yves refuse la proposition. Pour lui, pas question de prendre le poste de quelqu’un ou de faire déplacer une personneA ce sujet, les services du rectorat de Créteil sont clairs. « La personne actuellement à ce poste en mi-temps a quelque chose derrière, un poste à temps complet. Nous sommes évidemment sensibles à la situation et nous avons tenté de trouver une solution, à Bondy. Seulement, l’employé l’a refusée ». « Humainement, lorsqu’on côtoie quelqu’un tous les jours, c’est très compliqué de s’en séparer de cette manière », affirme, touché, Tony Lampuré. Les collègues et l’intersyndicale des personnels réclament le réemploi stable de Yves et le maintien du poste au service de la reprographie.

Protestation devant le rectorat, projectile lancé, gaz lacrymogène, un élève interpellé

Pour se faire entendre, les enseignants grévistes ont décidé de protester. Dès 7h45, professeurs et élèves s’étaient donnés rendez-vous devant le lycée vendredi 17 novembre. Parmi eux, Malik*, 16 ans. « Je savais d’avance qu’il y avait une grève. J’avais été informé via Snap la veille. Je n’ai pas hésité, je me suis tout de suite senti concerné. Yves, moi aussi, je l’aime bien ». Cette manifestation, c’était une grande première pour Malik. « Je n’ai pas prévenu mes parents avant d’y aller, je ne voulais pas qu’ils s’inquiètent« . Aux alentours de 9h30, le groupe prend la direction du rectorat de Créteil pour protester et exiger d’être reçus. Certains élèves ont fait le choix de ne pas suivre le cortège, c’est le cas de Lucas, élève de 1ère STMG. « Je ne me sentais pas d’y aller. J’avais peur que ça dégénère« . Malik, lui, a décidé de suivre le mouvement. « Même si on m’avait dit de rester au lycée, j’aurais fait genre j’habite à Créteil, s’amuse-t-il. C’était important d’y aller en nombre, pour Yves, pour nos profs », poursuit-il.

Durant la manifestation, une bouteille a été lancée en direction des forces de l’ordre. En plastique assurent les professeurs, en verre, dit, à la presse, la préfecture du Val-de-Marne. Les enseignants affirment également que la bouteille a été jetée en l’air parce qu’ils faisaient face à une grille de plusieurs mètres et qu’elle n’avait pas directement visé les policiers. En réponse, les forces de l’ordre ont répliqué par du gaz lacrymogène. Malik témoigne avoir été touché. « C’était la première fois que ça m’arrivait. Je me suis automatiquement écarté, un prof m’a amené une bouteille d’eau pour me nettoyer les yeux. Dès que c’est allé mieux, je suis reparti devant ». Un des lycéens, élève mineur, a été interpellé. Cette participation d’élèves mineurs est une ligne jaune franchie pour le rectorat. « Nous la condamnons clairement. Les professeurs, les élèves majeurs font ce qu’ils veulent mais concernant ces élèves, il est inacceptable de les savoir hors de l’établissement ». Les enseignants en grève eux se disent « en colère » et dénoncent « les gaz lacrymogènes et l’usage disproportionné de la force » . 

Un mouvement plus large en faveur de plus de moyens pour l’établissement

« Ce mouvement n’est pas seulement pour Yves, c’est aussi pour évoquer des petites choses qui peuvent devenir très grandes quand elles se multiplient« , déroule Tony Lampuré. Il évoque un manque de moyens humains à la vie scolaire du collège. « Les surveillants ne peuvent pas être partout, à la fois dans les couloirs pour évacuer les élèves et dans la cour pour les surveiller« . Les professeurs réclament aussi plus de moyens à la cantine de l’établissement. « Cela passe par le remplacement, l’embauche d’agents mais aussi le réaménagement du self pour éviter une attente interminable des élèves« , complète Romain Breton. Ce que confirme, Adam*, élève en Première STMG (sciences et techniques du management et de la gestion). « Le midi c’est souvent une mission pour manger parce qu’il y a beaucoup de monde qui fait la queue. Le temps d’arriver au réfectoire, il ne nous reste que quelques minutes pour avaler notre repas puis courir en cours »« Nous faisons face à une machine bureaucratique et administrative très compliquée« , explique, dépité, Romain Breton, professeur de philosophie au lycée Jean-Renoir de Bondy. Les enseignants réclament un poste de CPE sur le collège et deux postes de surveillants, ainsi qu’au niveau de la demi-pension, le remplacement des agents absents, l’embauche de deux agents supplémentaires et le réaménagement du self pour désengorger la file d’attente.

Contacté, le directeur de la cité scolaire Jean-Renoir n’a pas souhaité répondre à nos questions.

Haie d’honneur pour Yves vendredi 24 novembre

Malgré leur énergie et leur soutien envers Yves, les professeurs ont décidé de cesser leur mouvement de grève. « Cela pèse moralement et financièrement« , explique Tony Lampuré. Les personnels doivent désormais se réunir prochainement pour décider des suites à leurs revendications sur le manque de moyens de l’établissement notamment. Une délégation du conseil régional d’Ile-de-France doit faire le déplacement à la cité scolaire ce jeudi pour évoquer la situation du personnel et l’état des locaux. L’intersyndicale accuse en revanche le rectorat de l’académie de Créteil de « jouer le jeu dangereux de pourrissement« . Les parents d’élèves de la FCPE ont invité Stéphane Hervé, conseiller LR de Bondy à venir manger à la cantine avec leurs enfants. « Pour se rendre compte des réalités, il faut les vivre », indique Joel Omont, président des parents d’élèves, FCPE, à Jean-Renoir.

Yves s’apprête à passer son dernier jour de travail au sein de la cité scolaire de l’établissement ce vendredi 24 novembre. Une haie d’honneur aura lieu, demain, en guise de remerciement.

Sarah ICHOU

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