Aux abords de la Cour International de Justice (CIJ) à la Haye aux Pays-Bas, des activistes et des Palestiniens sont rassemblés, les yeux rivés sur leur téléphone. Ils sont là pour suivre au plus près l’audience de ce jour et partager ce moment historique.

Vendredi 19 juillet, la Cour International de Justice (CIJ) a rendu un arrêt sur le statut juridique de l’occupation israélienne à la demande de l’Assemblée générale des Nations Unies. Les juges reconnaissent le caractère illicite de l’occupation des territoires palestiniens et appellent Israël à « mettre fin à sa présence dans les plus brefs délais ».

Ces derniers ont délibéré durant 5 mois suite aux audiences qui se sont déroulées au mois de février dernier. La CIJ avait entendu, du 19 au 26 février, les avis sur deux questions : les conséquences juridiques de la violation persistante par Israël du territoire palestinien ; son incidence sur le statut de l’occupation et ses répercussions pour tous les États et les Nations unies.

Avant le début des audiences de février, l’État israélien a averti qu’il ne reconnaîtrait pas « la légitimité de la discussion » à la CIJ. Il a décrit cette démarche, initiée par l’État de Palestine à l’ONU, comme « faisant partie de la tentative palestinienne de dicter les résultats du règlement politique du conflit israélo-palestinien sans négociation. »

L’État israélien a refusé de participer aux auditions et a préféré soumettre une déclaration écrite. En tout, 52 pays ont présenté leur avis, la grande majorité d’entre eux concluent que l’occupation israélienne est illégale et ont demandé à la CIJ de la déclarer comme telle.

Une décision qui fera date

Cet avis consultatif résulte d’une demande spécifique par l’Assemblée générale des Nations Unies (AGNU). Il tient compte des règles et des principes du droit international humanitaire, du droit international des droits de l’homme, des résolutions pertinentes du conseil de sécurité et du conseil des droits de l’homme ainsi que celles de la Cour internationale de Justice.

C’est la première fois que la CIJ se prononce sur l’illégalité de l’occupation, qui dure depuis 57 ans. Cet avis consultatif a été mené par le président et juge de la CIJ, M. Salam. La Cour a confirmé que les questions soumises par l’AGNU sont effectivement de nature juridique et, par conséquent, non politique. Ainsi, elle est compétente pour émettre un avis et dispose de suffisamment d’informations.

Elle confirme premièrement l’unicité du territoire palestinien occupé comprenant : Jérusalem-Est, la bande de Gaza et la Cisjordanie car « d’un point de vue juridique, le territoire occupé constitue une unité territoriale unique ». 

Dans un second temps, la CIJ a reconnu :

– L’illégalité de la présence d’Israël sur le territoire palestinien occupé et l’obligation d’y mettre fin.

– L’obligation de cesser immédiatement ses activités de colonisation et d’évacuer les colonies en territoire palestinien occupé.

– La réparation des dommages causés sur le territoire palestinien occupé.

– La responsabilité de tous les États sur le fait de ne pas reconnaître légalement les conséquences des pratiques et des politiques illégales d’Israël dans le Territoire palestinien occupé. Il en va, de même, évidemment, pour les organisations internationales, incluant les Nations Unies.

– Le président de la Cour internationale de Justice conclut sur l’arrêt le plus rapidement possible de la présence illégale et illicite d’Israël sur le territoire palestinien occupé.

« La Palestine devrait être libre sans qu’on le demande »

La délégation palestinienne présente a partagé son soulagement après le verdict de la CIJ. Pour Riyad al-Maliki, le ministre palestinien des Affaires étrangères, c’est « une victoire, c’est une décision historique ».

« La Cour a clairement indiqué que le peuple palestinien est l’unique souverain du territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est », a-t-il salué. Il souligne l’obligation de la communauté internationale à « non seulement réaffirmer le droit du peuple palestinien à l’autodétermination, mais également, de veiller à ce que ce droit soit immédiatement mis en œuvre ». 

Riyad Mansour, l’ambassadeur palestinien des Nations Unies, a souhaité témoigner sa « gratitude pour les juges de la CIJ ». Dans un long discours, il insiste sur l’importance majeure de cette décision qui montre, encore une fois, que la « Cour s’est rangée du côté de la justice ». La prochaine étape se fera « avec leurs partenaires aux Nations Unies pour faire respecter le droit international », espère-t-il.

Parmi les personnes rassemblées devant la CIJ pour suivre l’audience, on retrouve Bisan. Elle est née en Palestine et ses parents ont été contraints de migrer aux Pays-Bas à cause de la guerre. Elle espère qu’un jour « l’occupation des territoires palestiniens cessera. La Palestine devait être libre sans qu’on le demande », souligne-t-elle.

Pour Nadia Slimi, activiste, « c’est un devoir d’être devant la CIJ et de faire entendre nos voix pour la Palestine. Cependant, je n’attends rien de cette décision qui n’aura pas d’effets immédiats sur la situation actuelle » car « Israël ne respecte pas le droit international » et « continue de bombarder ses zones dites sécurisées ».

Dans le même temps, la Knesset adopte une résolution contre la création d’un État palestinien

La veille de l’avis consultatif de la Cour mondiale, un fait majeur s’est déroulé concernant la solution à deux États et la volonté d’une paix dans la région. Jeudi 18 juillet dernier, pour la première fois de son histoire, le Parlement israélien a adopté à une écrasante majorité une résolution qui s’oppose à la solution des deux États, soit « deux États démocratiques, Israël et la Palestine » vivant « côte à côte en paix, à l’intérieur de frontières sûres et reconnues ».

La Knesset s’oppose « fermement à la création d’un État palestinien à l’ouest du Jourdain », c’est-à-dire dans la bande de Gaza et en Cisjordanie occupée. Cette résolution a été portée par des partis de la coalition du Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, ainsi que par des partis de droite de l’opposition et par le parti centriste de Benny Gantz. Elle a recueilli le soutien de 68 élus de la coalition au pouvoir et de l’opposition, seulement neuf députés ont voté contre.

Ce vote s’inscrit dans la continuité de celui de février dernier où la Knesset avait voté à une large majorité de 99 élus (sur 120) contre la reconnaissance « unilatérale » d’un État palestinien.

Une décision non contraignante au lourd poids politique

Si l’avis de la CIJ n’est pas juridiquement contraignant, il aura tout de même un poids politique important. Cela va accentuer la pression juridique croissante à l’égard de l’État israélien concernant la guerre en cours dans la bande de Gaza et au sein du territoire palestinien occupé.

Outre le fait, qu’Israël soit « dans l’obligation de mettre un terme à ces faits illicites », la Cour internationale de Justice ordonne « de réparer intégralement les dommages causés par ses faits (…) à toutes les personnes physiques ou morales concernées ». Une réparation qui comprend « la restitution, l’indemnisation ou la satisfaction ». 

De plus, cette décision appelle également les États et les Nations Unies à sanctionner ces pratiques illégales. Ils sont tenus de « ne pas reconnaître comme licite la situation découlant de la présence illicite d’Israël dans le Territoire palestinien occupé » et de ne pas « prêter assistance au maintien de la situation crée par cette présence » et cela, dans le respect de la Charte des Nations Unies et du droit international.

Le président de la Cour, M. Salam, a conclu en soulignant l’importance majeure pour le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale des Nations Unies de « rechercher quelles mesures supplémentaires sont requises pour mettre fin à la présence illicite d’Israël ». Une démarche qui contribuerait à la stabilité dans la région et à la sécurité de tous les États du Moyen et Proche-Orient.

À court terme, cet avis consultatif n’entraînera pas de réels changements sur la situation actuelle en Territoire palestinien occupé par manque de coopération des États et de mise en place de sanctions réelles. Cependant, cet avis est historique puisqu’il incrimine, selon le droit international, les conséquences des pratiques et des politiques menées par Israël en Cisjordanie, dans la bande de Gaza et à Jérusalem-Est.

Amina Kalache

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