« Je ne connaissais pas du tout cette élection. D’habitude, je ne vote que pour la présidentielle et les municipales. Les députés, je ne savais pas vraiment à quoi ils servaient. Mais je vois qu’il y a un gros enjeu, avec la montée du RN et la parole raciste qui se libère, donc je suis venue voter », explique Aminata. Mère de trois enfants, cette Bondyboise de 44 ans est venue accompagnée de ses bambins à l’Hôtel de Ville de Bondy pour y effectuer son devoir de citoyenne.

Cette femme arborant un voile vit dans la crainte ces dernières semaines. En cause, la multiplication des actes racistes commis par l’extrême-droite. « Je suis inquiète quand je vois tout ce qui se passe dans cette société. Les gens ne se cachent plus d’être raciste. J’ai peur pour moi et mes enfants, car on a une couleur de peau qui dérange beaucoup de gens apparemment », constate amèrement la mère de famille bondynoise.

Des électeurs angoissés par la montée de l’extrême droite

Dans le bureau, toutes les franges de la population s’y rencontrent. On y aperçoit des retraités, des parents, des jeunes actifs et des primo-votants. Ce scrutin extraordinaire mobilise, comme le souligne Norah, 52 ans et présidente du bureau de vote. « C’est la sixième fois que je tiens un bureau de vote à Bondy et je peux vous dire que la participation est bien plus importante que les fois précédentes. Là, on doit être à environ à 5 % de plus », renseigne-t-elle.

Surprise, mais éreintée après l’annonce du Président de dissoudre l’Assemblée nationale, elle n’a réalisé que le lendemain le choix pris par Emmanuel Macron. « Nous sortions d’une journée où nous étions ici de 7h30 à minuit. On était encore dans le comptage des voix quand on a appris la nouvelle. Je me suis dit qu’on allait devoir remettre le bleu de chauffe », raconte Norah.

À quelques encablures de la mairie, à l’école Jules Ferry située sur la rue Martin Luther King, les votants sont venus nombreux ce dimanche matin. À l’image de Daniel, ce retraité de 70 ans et ancien employé de la mairie a, non sans mal, fait l’effort de se déplacer vers l’école. Blessé à la hanche, Daniel tenait tout de même à venir voter aujourd’hui.

Je n’ai pas voté aux Européennes début juin, mais je ne pouvais pas supporter que le parti de la haine risque de venir au pouvoir

« Je n’ai pas voté aux Européennes début juin, mais je ne pouvais pas supporter que le parti de la haine risque de venir au pouvoir. J’ai des amis franco-algériens dont leur petite fille a quatre ans. Et rien que de penser à leurs mesures sur le droit du sol et le droit du sang, ça m’est insupportable. Même Pétain ne l’avait pas fait ! », s’insurge celui qui fêtera ses 71 ans en fin d’année.

Djamila, 59 ans, est venue avec sa fille de 20 ans pour voter. Elle ne cache pas ses doutes à l’issue de son vote. « Je crains le programme du RN, surtout quand on voit le sort réservé aux immigrés. Mon mari est binational et beaucoup de gens de mon entourage le sont donc ça craint. Le programme du RN est raciste et personne ne s’en cache. C’est ce que je ne comprends pas. »

Qu’importe le bureau de vote, le mot d’ordre était le même à Bondy : ne donnez aucune once de pouvoir à un candidat du Rassemblement National. Il est certain que cette injonction restera inchangée dimanche prochain lors du second tour.

Félix Mubenga

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