« Nous avons l’impression d’assister à une vaste blague », désespère Josselin Valdenaire, éducateur et secrétaire général de la CGT PJJ. Fin juillet, la direction nationale de la protection judiciaire de la jeunesse annonçait le non-renouvellement d’un nombre conséquent de contractuels : 500 agents selon les syndicats, 239 selon le ministère de la Justice.

Les mobilisations et les discussions qui ont suivi ont permis de dégeler 3 millions d’euros dédiés à la « reconduction de dizaines de contrats » et au « renouvellement de 230 contrats » dont la signature est prévue mi-octobre. Reste qu’aux yeux de l’intersyndicale, ces annonces font l’effet d’un pansement sur une jambe de bois. Le nombre de jeunes en attente d’un suivi enfle tandis que la PJJ, petite administration regroupant 9 000 agents, se noie.

Souffrance au travail et jeunes mis au ban

Chaque jour, les agents de la PJJ encadrent des mineurs délinquants avant, pendant et après leurs deux audiences de jugement. « Nous travaillons sur tous les pans de la vie d’un jeune – ses liens familiaux, sa santé, son rapport à la loi ou à la scolarité, détaille Josselin Valdenaire. Le but, c’est qu’ils aillent mieux et qu’ils ne récidivent pas. » Or, pour faire cela, il faut du temps, des agents, de l’argent. Cette administration prend en charge des mineurs aux problématiques diverses, qui se sentent souvent abandonnés, stigmatisés : « Ce sont des gamins qui subissent des ruptures, des échecs et qui sont pointés du doigt pour cela ».

En Île-de-France, la situation est dramatique. Pour Stéphane Viry, co-secrétaire régional du Snpes-PJJ/Fsu, certains départements, comme le 93, le 92 et le 94, touchent le fond. « Nous disposons d’une liste récurrente de 300 à 350 jeunes qui ne sont toujours pas pris en charge. Cela entre en totale contradiction avec les annonces martiales du gouvernement en matière de délinquance des mineurs », dénonce-t-il.

Il y a énormément de cas de souffrance et de maltraitance au travail

Face à ces injonctions contradictoires – travailler plus dans un temps restreint – certains agents ont perdu le sens de leur mission. Josselin Valdenaire le dit : « Il y a énormément de cas de souffrance et de maltraitance au travail, mais notre direction ne cesse de nous parler de défaut d’attractivité de nos métiers ».

« Comment voulez-vous recruter quand les gens ne vont pas bien et gagnent une misère ? », s’interroge le syndicaliste. Pour endiguer cette problématique, le ministère de la Justice a décidé de revaloriser les salaires. Selon lui, cette revalorisation aurait conduit à « un dépassement du plafond des emplois » justifiant le non-renouvellement des postes en questions.

« Une bombe à retardement »

Les discussions estivales avec la direction laissent un goût amer aux syndicats. « Nous avons été conviés en juin et on nous a répondu qu’il y avait une baisse du nombre de jeunes, que les moyens n’étaient pas là et qu’elle ne déshabillerait pas les autres branches pour nous », témoigne Stéphane Viry. Ce dernier explique cette baisse par le vieillissement global de la population. Facteur qui ne le concerne pas puisque l’Île-de-France héberge les départements les plus jeunes de France. « Une bombe à retardement », estime-t-il, car sa population ne fait pas que rajeunir, elle se paupérise. Pour Josselin Valdenaire, la baisse du nombre de jeunes pris en charge démontrent l’efficacité des agents de la PJJ, mais ne justifient pas le non-renouvellement des contractuels.

Mais pour le ministère de la Justice, cette situation reste conjoncturelle. Il s’agit d’un décalage dans le temps des contrats. Par ailleurs, il précise que la tendance du budget alloué à la PJJ est plutôt à la hausse : + 27 % entre 2020 et 2024. Le signe « d’une attention toute particulière apportée à la continuité du service public et à la qualité de la prise en charge des jeunes suivis ». Stéphane Viry perçoit ce lexique policé comme le marqueur d’une « direction nationale complètement déconnectée des enjeux du terrain ». Josselin Valdenaire, quant à lui, pointe du doigt une gestion trop managériale d’un métier axé sur l’humain, le temps, la confiance.

Nous avons besoin de connaître le nombre exact de postes vacants

Par le biais de cette grève, l’intersyndicale demande à ce que les agents soient titularisés, que des moyens RH soient concrètement mis sur la table et surtout que la discussion se fasse à armes égales. « Cela fait 15 jours que nous demandons un bilan détaillé fait de chiffres précis. Nous ne l’avons pas obtenu, assure Josselin Valdenaire. Nous avons besoin de connaître le nombre exact de postes vacants et le nombre de postes à créer pour pouvoir prendre en charge nos activités. » Face à cette situation, le garde des Sceaux a missionné l’Inspection Générale de la Justice. Après avoir entendu toutes les parties, celle-ci doit rendre son rapport le 30 septembre prochain.

Marthe Chalard-Malgorn  

 

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