Le Rassemblement National a présenté le programme éducatif qu’il entend mettre en place s’il accède au pouvoir. Ce programme vise à mettre en place des collèges modulaires par groupes de niveaux, la suppression du dispositif REP et un « bigbang de l’autorité ».

Sophie Vénétitay est secrétaire générale Snes-FSU, le premier syndicat des personnels enseignants et d’éducation. Elle alerte sur les conséquences d’une victoire de l’extrême droite. Interview.

Que représenterait une victoire de l’extrême droite pour l’éducation nationale ?

Un coup fatal. L’école publique ne va pas bien. Elle vient de vivre des années de réformes qui l’ont fragilisée. Le projet du RN est l’antithèse même du projet de l’école publique. À savoir, la possibilité de s’élever mutuellement sur le plan intellectuel pour le bien de la démocratie. Je pense que l’école publique ne se relèverait pas.

Le Rassemblement National a présenté le programme qu’il compte mettre en œuvre s’il arrive au pouvoir. Dans le volet éducation, Jordan Bardella déclare vouloir remplacer le collège unique par un “collège modulaire”. Quels changements cela induit et quelle est votre position sur cette mesure ?

Cette mesure est clairement un grand bond en arrière. Elle balaye dès décennies de lutte pour le droit à l’accès à l’éducation. Déjà, gardons en tête qu’on parle d’enfants. On voit qu’il s’agit d’une forme de relégation de certaines catégories d’élèves à un âge où le niveau n’est même pas réellement déterminé. Il y a une corrélation visible entre les résultats scolaires et l’origine sociale. Ce collège modulaire va créer des filières pour les pauvres et des filières pour les riches.

En quoi cette décision peut affecter les jeunes issus de minorités ?

Le programme est fait de mesures discriminatoires. Il y a un concept de préférence nationale. Ce qui va avoir des conséquences sur le quotidien des élèves issus de minorités. Il y aura un manque de moyens qui entraînera une difficulté d’accès à la cantine, une difficulté d’accès à du soutien scolaire, moral… Ce sont les enfants d’immigrés et des quartiers populaires qui en paieront le prix.

Le RN a également pour ambition de mettre en place un examen national pour orienter les élèves après la CM2. Il veut transformer le brevet des collèges en examen d’orientation post troisième. Quels sont les dangers de ces mesures ?

Le tri social et scolaire qui se dessine est délétère pour l’École nationale et son projet. On ne veut pas faire grandir les enfants ensemble à l’école. C’est un coup porté à notre démocratie. Un pays où les élèves sont assignés à leur position sociale, est un pays où la démocratie est en danger.

Le RN promet d’instaurer l’uniforme, le vouvoiement obligatoire des professeurs, mais aussi un « big bang de l’autorité » avec des  « peines plancher dans les conseils disciplinaires ». Comment observez-vous ces mesures aux accents répressifs ?

C’est un programme hors-sol. L’uniforme et le vouvoiement ne sont pas ce dont l’école a besoin aujourd’hui. On parle d’une école où les élèves ont perdu des dizaines d’heures de cours, car les professeurs ne sont pas remplacés. Ce n’est pas parce que tous les élèves vont porter le même t-shirt que l’école ira mieux. Le “choc de l’autorité” est révélateur de la vision du RN. Cette obsession pour l’ordre gomme la dimension éducative qui est le cœur même de l’école. Ils donnent une vision de la jeunesse très stigmatisante, une impression que la jeunesse est dangereuse et qu’il faut la mettre au pas.

Jordan Bardella envisage de supprimer les dispositifs REP. Qu’est-ce qui changera pour les établissements concernés ?

Il compte limiter le dispositif REP aux établissements REP+. Ce qui va réduire la carte de l’éducation prioritaire, donc les coûts. Il compte réadapter les programmes scolaires et les horaires des REP+. On sent bien qu’il y a la volonté de construire et d’institutionnaliser une école à deux vitesses. Encore une fois, se dessine l’idée qu’ils veulent créer une école pour les riches et une autre pour les pauvres.

Propos recueillis par Sarah Bouchamama

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