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Délicatesse. « Youssou et Malek », le court-métrage de Simon Frenay nous parle d’amour, de séparation forcée, de classe sociale et d’homosexualité. Produit par La Belle Affaire production, cette œuvre cinématographique est en compétition pour le festival CinéBanlieue. La nouvelle édition de cet événement incontournable se tient du 8 au 18 novembre 2022 à Paris et en banlieue.

D’abord connu en sa qualité de comédien, Simon Frenay a joué dans Haut perchés d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau, ou encore dans la web-série Les Engagés. Pour la deuxième fois, il passe derrière la caméra. C’est donc le réalisateur qui nous parle aujourd’hui de son court-métrage « Youssou et Malek ». Ce film sera projeté le 17 novembre à 18h à l’UGC Paris Ciné Cité 19. Mais aussi à Commune Image à Saint-Ouen, le 1er décembre à 20h.

Une comédie musicale, dans laquelle Simon Frenay met en scène le dernier jour d’un jeune couple : Youssou et Malek, tous deux vivant à Montpellier. Les amoureux doivent se dire au-revoir car Youssou a été accepté à Berkeley. Mais c’est alors que les événements vont prendre une autre tournure. Interview. 

Pourquoi avoir choisi la comédie musicale pour raconter l’histoire de Youssou et Malek ?

Depuis l’enfance je suis sensible à la musique des films, mais je n’avais pas conscience que je voulais faire une comédie musicale au départ. Je ne m’en pensais pas capable. On m’a soufflé l’idée lorsque j’étais à L’Atelier, la résidence des cinéastes autodidactes de Seine-Saint-Denis. C’est en leur montrant mes références visuelles et sonores, qui étaient toujours très imprégnées de musique, que l’on m’a donc soufflé : « Simon peut-être tu devrais faire une comédie musicale ? ».

Très rapidement des questions se sont imposées à moi : comment écrit-on les paroles d’une chanson ? Comment écrit-on les paroles sans composition musicale au préalable ? Dans quel ordre cela se passe ? Comment allais-je mettre ces paroles en musique ? Cela s’est passé par étape, après avoir écrit les paroles, j’ai travaillé avec Niki Demiller qui a composé les musiques puis avec le rappeur Kondho qui a rythmé mes textes sur la musique de Niki.

Le terme « comédie musicale » pourrait laisser croire que l’histoire de Youssou et Malek est légère voire comique. Il n’en est rien…

La comédie musicale est un genre qui regroupe beaucoup de choses. « West Side Story », repris par Spielberg récemment, est une comédie musicale. Les personnages dansent et chantent, mais c’est un vrai drame qui se joue ! Il ne faut pas se fier au terme « comédie ».

« Youssou et Malek » n’est pas aussi dramatique. Mon film est musical, il n’est pas très dansé, à la fois parce que c’est compliqué d’écrire de la danse, mais aussi par manque de moyens. Je me suis donc concentré sur le chant avec malgré tout quelques rares mouvements de danse, aidés par un chorégraphe.

Dans ce court-métrage, il y a deux séparations en jeu dans le départ de Youssou. La première est amoureuse. La seconde séparation est celle de Youssou et de son quartier. Il est celui qui part dans une grande fac américaine, quand tout le monde reste y compris Malek.

L’enjeu principal était de parler d’une séparation amoureuse imposée par des éléments extérieurs. Ce n’est pas un déchirement interne entre Youssou et Malek, mais la vie qui les sépare. Ils sont à une période charnière de leur vie, et Youssou se retrouve à avoir une immense opportunité pour ses études. Il n’a pas d’autre choix que de l’accepter.

Je voulais mettre ce jeune homme noir dans une posture de réussite, parce qu’on n’attribue pas ces rôles aux personnes non-blanches habituellement

J’avais la volonté de raconter ça : un jeune homme noir des quartiers populaires qui rentre à Berkeley et pas un jeune homme noir des quartiers populaires qui galère pour rentrer à Berkeley. Je voulais mettre ce jeune homme noir dans une posture de réussite, parce qu’on n’attribue pas ces rôles aux personnes non-blanches habituellement.

Un ami a pointé du doigt quelque chose, une chose que je n’avais pas vraiment réalisé durant l’écriture. Il s’agit de l’idée que Youssou, en partant à Berkeley, allait devenir un transfuge de classe et ainsi s’éloigner de Malek et de son milieu d’origine. C’est une peur qui tient Youssou mais aussi de Malek. Ce dernier a peur d’être oublié, méprisé peut-être. J’ai donc choisi d’accentuer les enjeux de la possible ascension sociale de Youssou.

À quels endroits du film avez-vous accentuer sur cette question ?

J’ai appuyé sur la question du départ, et la peur de la trahison dans la chanson de Youssou avec sa mère. Youssou a peur de devenir « un dissident, un mec fuyant » et d’être perçu comme s’il avait abandonné les siens. Sa mère le réconforte en faisant un parallèle avec sa propre vie, son propre exil, son départ du Sénégal pour la France. Ce n’est pas forcément le même contexte, mais il y a des choses similaires qui se jouent.

Je voulais raconter une histoire d’amour très entière comme on les vit souvent à ces âges

Sa mère a pris cette liberté, elle essaye de lui permettre de faire de même. En même temps, je voulais aussi recentrer l’enjeu autour des sentiments des personnages, c’est ce qui me paraissait le plus beau et le plus important pour mon histoire. Effectivement, il y a peut-être une certaine naïveté là-dedans, mais c’est cela que je voulais raconter, une histoire d’amour très entière, comme on les vit souvent à ces âges.

En 2017, vous avez co-réalisé et joué dans « Scred » avec David Chausse. Vous y dépeigniez une homosexualité plus honteuse, plus « discrète » comme le titre du film l’indique. Mais dans « Youssou et Malek », cette difficulté n’est jamais abordée. Ils s’aiment et ça ne pose de problèmes à personne. Pourquoi ce choix ?

« Youssou et Malek » est né d’un manque. Adolescent, je n’ai jamais vu de représentations heureuses de couples gays. Les histoires gays contrariées, malheureuses, peuvent dire quelque chose de l’homophobie du monde et éveiller les consciences. Mais je voulais, cette fois-ci, représenter une histoire amoureuse. Comme si on était arrivé au bout de l’homophobie et que ce n’était plus un problème.

La fiction peut donner des représentations, montrer des possibles qu’on peut utiliser dans sa propre vie. Moi, je ne me sens toujours pas serein dans l’espace public. Je ne vis pas ma sexualité comme doivent le vivre les hétéros. Dans Youssou et Malek je voulais raconter une histoire amoureuse heureuse entre deux garçons. Le monde dans lequel Youssou et Malek vivent, est un monde à atteindre.

Selon vos mots, vous avez « su très jeune que [vous étiez] homosexuel, en revanche il [vous] a fallu près de 17 ans pour l’assumer ». Est-ce pour cela que vous avez fait ce film, pour que ce soit plus facile pour des jeunes d’assumer la leur ?

Oui…, ça aurait changé ma vie de regarder un film qui représente deux garçons qui s’aiment sans que leur amour ne soit questionné. Ça m’aurait inspiré, ça m’aurait changé. J’ai probablement fait ce film pour le jeune Simon, et par transfert, pour tous les jeunes. J’ai fait mon film en pensant à des jeunes spectateurs. Mon souhait c’est d’accompagner le film au maximum dans des structures scolaires. Dès l’enfance on a besoin de ces représentations.

Propos recueillis par Miguel Shema

Photo ©Flavien Dareau

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