« Il fait partie des réalisateurs qu’on a envie de suivre de près car il a un véritable talent et beaucoup de valeurs humaines », le définit Aïcha Bélaïdi, déléguée générale des Pépites du cinéma qui l’a rencontré en 2008. « Les Pépites, c’est un rapport de fidélité », confie Akim Isker avec tendresse.
Cette année-là, les Pépites sélectionnent La Planque, un court-métrage réalisé avec l’association Alakis’, collectif de comédiens, scénaristes et réalisateurs initié en 2005 par Jalil Naciri à l’Ile-Saint-Denis (93). Festival de cinéma urbain, les Pépites proposent des projections itinérantes comme au Hangar d’Ivry-sur-Seine (94) – le cinéma local n’accueille pas – où le réalisateur Luc Besson pousse la porte et se laisse séduire par la troupe. S’en suivra la création d’une société de production (Les Films Alakis’), le développement du long-métrage La Planque sorti en 2011, et un procès pour impayés (2,5 millions d’euros) toujours en cours, entamé en février 2012 contre EuropaCorp. « Je n’ai pas fait partie prenante de la production du film mais je sais plus ou moins pourquoi ils en sont arrivés là, analyse Akim, non concerné par ce procès. C’était une aventure collective dans la suite logique du travail d’Alakis qui m’a fait beaucoup grandir».
J’mange pas de porc, présenté à l’Étoile de La Courneuve, lui apparaît comme « le premier film écrit avec ce que j’avais au fond de moi ». L’histoire ? Un jeune homme vole une pizza qui s’avère être au porc et ne peut la manger. Écrit et réalisé à quatre mains avec Mohamed Belhamar – rencontré sur un téléfilm où tous deux étaient assistants – et subventionné par l’ACSE, ce court-métrage traite d’un problème identitaire « mal mis en lumière par les médias et les débats : comment les personnes dites ‘issues de l’immigration’ ressentent les choses ».
Par rapport aux autres, Akim s’est souvent senti Algérien (« j‘avais une carte de résidence alors que tous mes potes avaient une carte d’identité française ») mais n’a pas ressenti un besoin de revendication identitaire («je parlais arabe naturellement »). À 18 ans, la notion d’identité l’interroge : « Pourquoi est-ce que je peux boire un verre de vin, faire la fête et ne pas manger de porc ? ». S’agit-il d’un interdit « plus traditionnel et culturel que religieux » ? Pour Akim, l’intégrité face au groupe nécessite le besoin « de montrer un signe d’appartenance plutôt qu’un signe de différence ».
Né en 1978 à Alger, Akim Isker, cadet de trois garçons, suit ses parents à Villeurbanne, près de Lyon, à l’âge de 4 ans pour cinq ans puis retourne en Algérie avec un désir énorme « parce que c’est les vacances, le soleil, la plage». Par sa double culture française et algérienne, Akim connaît fantasme du retour au pays : « Pour ma mère, fille d’immigrés, c’était un rêve. Sauf que le 5 octobre 1988, une mini-révolution a lieu ». Fuyant la guerre civile, la famille atterrit à Malakoff (92) chez les grands-parents maternels, ouvriers d’une usine Renault. Après un retour en Algérie infructueux, la famille s’installe à Montrouge (92) puis à Évry (91) lorsqu’il est adolescent.
Une scolarité normale (« j’étais très bon en primaire, un peu moins en grandissant »), une caméra DV au collège et un Bac ES le mènent à des études de cinéma. Car, depuis l’âge de 6 ans, l’admiration qu’il porte à son grand-oncle Abder Isker – premier réalisateur algérien de la télévision française – puis à Taxi Driver lui donnent envie de réaliser. N’osant « même pas » demander à ses parents de lui payer une école privée, Akim s’inscrit à la fac mais constate « un trop grand fantasme de la Nouvelle Vague » et s’en va.
Akim se lance dans une carrière de comédien, trouve un agent et entre dans le cinéma par la petite porte. Figuration, stages, et une rencontre décisive, celle du réalisateur Gérard Vergez qui lui propose de devenir assistant sur la série PJ à l’âge de 22 ans. Akim refuse («ça va trop vite »), puis accepte et voue une fidélité totale à cet homme qui l’a laissé entrer « partout ». En 2005, il rencontre Alakis’, réalise des épisodes de PJ puis le court-métrage La Planque et tempère ce parcours : « Si ça n’avait été que pour l’argent, je n’aurai jamais été réal ».
Aux jeunes qui aimeraient se lancer dans le cinéma, Akim conseille de « se faire confiance et avoir confiance en les autres » sans se poser trop de questions : « c’est en faisant qu’on apprend ». Interrogez-le sur la banlieue, il vous dira : « Ce qu’on appelle aujourd’hui banlieue, c’est un style de vie qu’on peut très bien retrouver intra-muros ». Alors, pour la filmer, Akim et Mohamed ont choisi « de filmer des banlieusards qui n’en sont pas et de montrer la ville comme un personnage».
Claire Diao