« Maman, tu penses que mémé pourra me faire un t-shirt en wax ? », demande une enfant hypnotisée par le tissu exposé. Wax, super wax et même gaufré, l’étoffe se décline à volonté. Même principe du côté de ses motifs et couleurs. Elles se mélangent à l’infini, donnant naissance à des créations uniques et intemporelles, aux motifs porteurs de significations.
Du 5 février au 7 septembre, le balcon des sciences, lieu emblématique du musée de l’Homme, propose une nouvelle exposition temporaire : WAX. Celle-ci s’intègre au parcours de recherche sur la migration ouvert en novembre dernier.
Un tissu multiculturel
En ce premier week-end d’ouverture, l’exposition est bondée. Parents et enfants, mais aussi groupes de copines se bousculent pour admirer ce tissu emblématique fait en coton. Pour Lucas, 12 ans, venu accompagné de sa famille, l’exposition lui permet de comprendre l’histoire des habits traditionnels portés lors de fêtes familiales.
« Dans les mariages, tout le monde porte du wax. Je ne savais pas que les imprimés avaient des significations », s’étonne-t-il. Ses parents, un couple franco-ivoirien, se remémorent des souvenirs en déambulant dans les allées. « Je l’avais celui-ci », lance son père, en désignant un pagne avec un imprimé fleuri fait de jaune et de bordeaux sous fond de rayures.
Ce n’est pas un textile natif du continent africain, et nous tenions à rappeler qu’avant son essor, ses habitants avaient leurs propres vêtements traditionnels
Originaire d’Afrique dans l’imaginaire collectif, le wax est plutôt un tissu multiculturel. À la croisée entre trois continents : l’Asie, l’Europe et l’Afrique. Entre spoliation et réappropriation, le wax est au commencement, une transposition technique du batik, un tissu indonésien teint grâce à un procédé de cire. Présents en Indonésie, les Européens s’approprient le batik et imitent sa confection.
Après l’avoir industrialisé, ils l’exportent dans leurs colonies. En l’Afrique de l’Ouest, le tissu va rencontrer un succès considérable dès 1890. « Ce n’est pas un textile natif du continent africain, et nous tenions à rappeler qu’avant son essor, ses habitants avaient leurs propres vêtements traditionnels », explique Marie Melin, commissaire et muséographe de l’exposition. Un dispositif retrace d’ailleurs les tissus ancestraux du Togo ou encore de la Guinée.
Se réapproprier, pour mieux s’exprimer
« Avant de venir, nous avons acheté le livre de l’exposition. C’est important que des lieux comme celui-ci parlent de nous, de notre culture », se réjouit Maena, 25 ans, venue accompagnée de ses copines. Devant les œuvres, le groupe pose et se prend en photo à plusieurs reprises. « Souris, tu pourras la mettre sur Instagram », lance la photographe amatrice à son amie, installée devant une œuvre en l’honneur des Nana Benz.
Le wax tel qu’il est connu aujourd’hui, c’est en grande partie grâce à ces femmes d’affaires ouest-africaines. Elles ont joué un rôle crucial dans la commercialisation du tissu et ont permis aux divers pays d’Afrique de s’approprier l’étoffe, donnant des noms aux nombreux motifs iconographiques selon leurs us et coutumes. « Ici, vous avez le motif “sac de Michèle Obama”, suite à la visite de l’ancienne première dame des États-Unis en Afrique ou encore ici “l’œil de ma rivale” et finalement “famille” », renseigne Marie Melin.
L’exposition réussit à valoriser l’Afrique et nos traditions, tout en nous apprenant l’origine plurielle de nos vêtements traditionnels
Au cours des années, le wax s’est ancré comme un élément central de la mode africaine. Support d’expression religieuse, politique, mais aussi porté de façon quotidienne, ce tissu colonial s’est transformé. Il est devenu un étendard, faisant briller l’Afrique à travers le monde. En 2020 la maison Dior en fait la pièce centrale d’une de ses collections.
De leur côté, les stars internationales, Rihanna et Beyoncé ont porté du wax lors d’apparitions publiques, exprimant fièrement leur afrodescendance. Désormais, le wax est un symbole d’africanité, d’expression des luttes et plus largement un patrimoine matériel. « L’exposition réussit à valoriser l’Afrique et nos traditions, tout en nous apprenant l’origine plurielle de nos vêtements traditionnels », conclut ravie Maena.
Inès Bennacer