En octobre dernier, Danyl faisait salle comble à la Maroquinerie pour son premier concert. Ce jeune artiste franco-algérien au style unique continue son ascension et sort un tout nouvel EP, « Khedma 2 ». Pour le Bondy blog, il revient sur son parcours, ses inspirations et son projet.
D’où vient ton amour de la musique ?
Au début, c’était un peu un amour de force parce que ma mère m’a poussé à faire du piano au conservatoire. Au fur et à mesure du temps, j’ai pris goût à faire des prods, à composer, à chanter. J’ai toujours écouté de la musique. En dehors de chez moi, j’écoutais du rap, mais lorsque j’étais à la maison, c’étaient les musiques que mes parents écoutaient. Mon père écoutait du raï avec des artistes comme Cheb Hasni ou Cheb Mami et puis ma mère écoutait de la musique française et du rock. Et aujourd’hui, ce que je fais est le fruit du mélange entre ce que j’écoutais dehors et ce que j’écoutais chez moi.
Tu es un véritable autodidacte puisque tu écris, composes et interprètes tous tes morceaux. Pourquoi as-tu fait le choix de tout faire par toi-même ?
Ce n’était pas un choix, c’était plus par défaut. J’ai commencé par apprendre à faire des prods seul. Lorsque j’ai commencé à chanter, j’aurais pu m’entourer de producteurs, mais je ne connaissais personne qui faisait le type de musique que je voulais. Alors, j’ai dû le faire par moi-même. J’ai été en autodidacte par nécessité parce que les réalisateurs, les instrumentales ou encore les heures de studio ça coûte hyper cher. J’ai tout appris sur internet et, au final, j’ai appris à kiffer tout faire par moi-même. Ça me permet d’avoir le contrôle et de mettre du détail sur mes projets.
Ton style musical est marqué par un mélange entre les sonorités traditionnelles du raï et les codes du rap actuel. Quel a été ton cheminement créatif pour arriver à ce style si particulier ?
J’ai beaucoup travaillé pour en arriver là. J’ai essayé pas mal de choses puis j’ai commencé à renouer avec mes origines algériennes. Avec le temps, j’ai trouvé le type de son qui me plaisait. J’ai grandi avec, c’était imprimé en moi, lorsque je chantais, on me faisait souvent remarquer que j’avais une touche de raï dans la voix. Je voulais faire une musique qui me ressemble et qui soit fidèle à mon identité. Alors, j’ai mélangé le rap et le raï, car ces deux styles font partie de mon ADN.
Tu exprimes ton amour pour l’Algérie à travers tes paroles et ton style de composition. Pourquoi cela te tenait à cœur de l’exprimer dans tes sons et quelles sont tes inspirations ?
L’Algérie fait partie de moi. Je ne pouvais pas ne pas en parler. Une de mes inspirations, c’est Cheb Hasni. Je l’aime beaucoup, car on partage la même fragilité et la même sensibilité. Pourtant, on est dans une culture où, nous, Maghrébins, on doit s’affirmer comme des bonhommes. Lui a réussi à chanter la souffrance, la rupture avec beaucoup de sensibilité, malgré les codes. C’est d’ailleurs ce que j’aime le plus dans la musique algérienne : le raï sentimental. C’est une façon d’accepter sa propre vulnérabilité.
Ta série d’EP s’appelle Khedma, un terme qui signifie « travail » en arabe et que tu utilises souvent. Que représente pour toi le mot « Khedma » ?
Le Khedma c’est le charbon ! C’est le travail pour arriver quelque part, que ce soit des études, un travail ou même un boulot que tu fais juste pour subvenir à tes besoins. Je ne crois pas en la chance ou au talent, mais au travail. Tu ne peux pas esquiver le khedma dans la vie ! Les morceaux du premier projet « Khedma », ce sont des sons qui ont été composés en direct sur Twitch. Je voulais montrer aux gens que même dans un endroit sans radiateur, où les murs sont fissurés et troués, on pouvait quand même arriver à faire quelque chose. Ce projet, c’était un hommage à Twitch et Khedma 2 est la continuité de cette mentalité.
Dans ton nouvel EP, on retrouve un titre intitulée « Pigalle ». Une chanson dans laquelle tu parles des errances de ton oncle entre l’alcool, la drogue et les femmes. Pourquoi avoir écrit cette chanson si particulière ?
Pigalle est une chanson très personnelle. Je parle à mon oncle, une sorte de lettre ouverte dans laquelle je lui dis certaines choses que je n’aurais pas pu lui dire en face et d’ailleurs, j’espère ne jamais en parler avec lui. Dans cette chanson, j’ai voulu rendre un hommage au raï des années 90 et j’ai samplé une chanson de Hasni qu’il écoutait lui-même. La musique me permet d’écrire comme je le souhaite sans me préoccuper du regard que pourrait porter mon oncle s’il était là, surtout sur des sujets un peu difficiles chez nous.
Dans les thématiques que tu abordes dans ton EP « Khedma 2 », on retrouve celui de la galère. Quelles histoires souhaites-tu raconter ?
Je raconte ce que je vis et il s’avère que j’ai beaucoup galéré (rires). Je raconte mon quotidien et j’aime bien témoigner du présent et de ce que je ressens. Je raconte aussi ce que je vis parce que c’est dur de mentir et de s’inventer une vie. Pour moi, la galère ce n’est même pas un thème, c’est un constat de ce qu’il se passe. Ce qui aide à parler de la galère, c’est de se dire qu’elle n’est que passagère. J’ai tout quitté pour la musique afin que ça fonctionne et ça a été le plus gros choix de ma vie. Finalement, cette vie de galère me correspond bien.
Propos recueillis par Sélim Krouchi
Photo ©AdamZM