En mars 2023, Imân poste un premier TikTok dans lequel elle appelle toutes les femmes créatives, de la makeup-artist au modèle en passant par la réalisatrice, à se connecter à elle. Quelques jours après, elle organise un débat sur “Comment survivre en tant que créatif” au parc des Buttes-Chaumont. Déjà, l’événement rassemble une dizaine de femmes venues des quatre coins d’Île-de-France. « Ça s’était si bien passé, ça me paraissait irréaliste de passer du virtuel au physique aussi facilement et d’en tirer autant », se remémore-t-elle.

Cet évènement marque la naissance du “Sistaglobalclub” qui compte aujourd’hui plus de 1 600 adhérentes et plus d’une cinquantaine d’événements à leur actif. Plus qu’un club, le SGC « est une communauté de femmes ambitieuses et créatives, unies dans le but de se faire entendre et de créer des opportunités, non seulement pour elles-mêmes, mais aussi pour les autres », revendique Imân Angèle Kenza Tjamag. La bienveillance est le mot d’ordre. « On essaye de réinventer la sororité en offrant un soutien à chaque membre sans distinction. Être une Sistâ, c’est vouloir changer les choses et aspirer à ce qu’on soit enfin comprise et respectée dans les milieux artistiques », développe-t-elle encore.

Une détermination culturelle consolidée par son parcours

Imân confie avoir grandi dans un foyer très ouvert à la culture, pourtant elle avoue avoir été confrontée plusieurs fois à la gêne de se rendre à une exposition, un vernissage ou au musée. « Tout part d’un sentiment de solitude artistique que j’avais, c’était compliqué de s’y retrouver en tant que femme, racisée et voilée. » En vivant dans différentes villes de banlieue parisienne, elle observe la même retenue chez ses amies.

On ne se sent pas forcément légitime d’accéder ou d’occuper certains espaces

« Ce qui est inné pour d’autres ne l’est pas pour nous, on ne se sent pas forcément légitime d’accéder ou d’occuper certains espaces, je me suis rendu compte qu’il y avait des disparités économiques et culturelles. » En partant vivre quelques années à Bordeaux, Imân rejoint la spécialité histoire des arts au lycée. Cette expérience lui apporte une plus grande ouverture d’esprit.

« J’ai appris tellement pendant ces années-là, mes professeurs m’ont communiqué une passion en architecture et en histoire », retrace-t-elle. Une fois rentrée en région parisienne, la jeune femme s’empresse de se rendre à l’ancien Tati de Barbes, devenue un centre culturel. Très vite, ce premier pas l’inspire et lui donne accès à un autre aspect de la culture. « C’est une bande de jeunes de banlieue qui ont fait des études d’architecture, qui se sont réapproprié l’espace et qui ont exposé leur travail, c’est dingue », raconte-t-elle.

Les Sistâs, partout

À coup de cours d’initiation au yoga, à la photographie, d’ateliers manuels, de sorties en exposition, au Louvre ou encore au cinéma, la fondatrice du SGC rencontre et fédère des femmes de tout horizon. « J’ai voulu créer une safe place, peu importe d’où tu viens, qui tu es, que tu aies des bases ou non dans tel ou tel domaine, viens comme tu es », rappelle-t-elle. Celle qui porte les prénoms de ses deux grands-mères, Kenza du côté maternel et Angèle du côté paternel, a fait de la sororité une priorité. Elle évolue dans un environnement très féminin, avec sa mère, son père ainsi que ses trois petites sœurs et place donc la femme au centre.

Je suis fière des accomplissements des autres comme si c’étaient les miens

« Il n’y a pas plus important qu’elles, mon quotidien leur est dédié, je m’inspire d’elles, de leur courage, de leur force, de leur combat. Une salle de yoga avec une voilée, une femme noire, une Asiatique ; pouvoir occuper des lieux où on ne nous retrouve pas, c’est par exemple ce que je veux rendre possible. » Pour Imân, une chose est claire. Ces rencontres ont changé sa vie. « Je suis fière des accomplissements des autres comme si c’étaient les miens, il n’y a aucune compétition, il y a de la place pour tout le monde, si l’une rencontre un problème, on lui offre les solutions. »

Inspirer et créer des connexions

Le SGC permet de créer un réseau entre tout type de profil créatif en facilitant le travail de groupe. La mission est de créer un espace collaboratif où les femmes peuvent partager leurs compétences, leurs expériences et leurs passions.

Le 3 février dernier, le SCG a organisé le “Sistâ Créative Club” à la maison de la Conversation. Une journée qui divise plusieurs groupes par compétences pour produire un contenu créatif et une campagne publicitaire pour le club qui promeut la sororité. Le 20 et 21 septembre, le SGB a organisé le “Sistâ September Reset”. Le vendredi était dédié à un Talk de rentrée pour définir de nouveaux objectifs, s’inspirer de parcours créatifs, partager son travail, échanger des conseils et grandir ensemble.

J’ai été encouragée, on m’a fait confiance très rapidement

Le samedi, lui, était consacré à un shoot extérieur en collaboration avec une photographe professionnelle, Spirale fleuriie. Lors du shooting, Kloe, photographe, explique que le SGC l’a poussée à se lancer à temps plein dans le métier. « J’ai été encouragée, on m’a fait confiance très rapidement pour que je puisse prendre des photos et les exposer », affirme-t-elle. « Pour ce reset de rentrée, j’ai pu rencontrer de nouvelles Sistâs, apporter mon expérience, donner mes tips et comme toujours, c’était good vibes, sans pression. Toutes ces femmes mises en avant, ça faisait du bien, surtout dans un contexte marqué par la misogynie. » S’unir pour faire entendre toutes les voix féminines afin de créer des opportunités, c’est ça l’ambition des “Sistâs”.

Farah Birhadiouen

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