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Bondy Blog : Comment as-tu découvert Kaaris ?

Raphaël Da Cruz : Je l’entends pour la première fois sur le morceau « Criminel League » avec Booba en 2011. J’aime bien ce morceau, mais je n’accroche pas tout de suite. C’est avec un freestyle sur Générations où il interprète « Bon qu’à ça » que je tombe complètement dedans. Au printemps 2012, il sort son projet « Z.E.R.O » auquel je deviens directement accro. Le disque est d’une efficacité, d’une concision dans les rimes. Je l’écoute encore aujourd’hui avec beaucoup de plaisir.

« Or Noir » sort le 21 octobre 2013. Attendais-tu impatiemment la sortie de cet album ?

J’étais hypé par la sortie de ce disque ! Après « Z.E.R.O » il y a son couplet sur le morceau « Kalash » avec Booba. Il est encore brillant dessus. Quelques mois avant l’album, il sort « Zoo » qui ne fait que décupler mon attente. On sent qu’il se passe quelque chose autour de lui, car il maîtrise complètement son art et amène un vent de fraicheur dans le paysage du rap français.

Te rappelles-tu de ta première écoute de l’album ?

J’étais parti l’acheter le jour de sa sortie. Je l’ai lancé immédiatement dans ma Twingo et j’ai l’impression qu’elle se transforme en Hummer (rires). J’ai été immédiatement pris par le tourbillon sonore qu’est ce disque. Cet album est un char d’assaut ! Tu es pris dans un rouleau compresseur de brutalité, avec quelques moments d’introspection, notamment avec « Or Noir » ou « Paradis et Enfer ». Dans le morceau « Bouchon de liège », il est vraiment rabelaisien, car certaines de ses rimes sont burlesques. Évidemment que l’écriture de Kaaris est brutale, mais il y a également beaucoup d’humour et d’absurde.

Or Noir a été une immense source d’influence dans le rap français. Pourtant, beaucoup de rappeurs admettent à demi-mot s’en être inspiré. Comment expliques-tu cette difficile reconnaissance ?

Il est toujours difficile dans le rap français de reconnaître le travail de ses pairs. Pourtant, ce disque a assurément pavé la voie pour les artistes qui sont contemporains à Kaaris. À partir de cet album, il a été plus facile pour les artistes qui avaient des velléités similaires de se faire comprendre du public. Quand on voit les freestyles « Sheguey » de Gradur, la trap un peu plus festive d’un Niska et tout ce qui a suivi dans le rap à Sevran, Or Noir a vraiment permis de démocratiser la trap.

 Or Noir incarne un moment charnière du rap français 

Comment expliquer qu’Or Noir soit toujours une référence en rap français plus de dix ans après sa sortie ?

Au moment où Kaaris sort l’album, il a déjà plus de 30 ans et rappe depuis le début des années 2000. Il a eu le temps de développer son rap et ses points forts. Or Noir incarne un moment charnière du rap français. Tellement de disques ont suivi dans lequel on peut retrouver l’ADN d’Or Noir. Cet album figure au panthéon du rap français au même titre que « L’école du micro d’argent » d’IAM ou encore « La fierté des nôtres » de Rohff.

Il y a eu un véritable parti pris et un jusqu’au boutisme dans la production et dans l’écriture. Le disque est d’une vraie radicalité alors même qu’on traverse une crise du disque à l’époque. Il y a une vraie prise de risque qui s’est avérée salutaire et qui prend aux tripes. On retient de Kaaris l’image d’une plume froide et violente, mais ça n’en est pas moins un putain de rappeur à l’image de « Je Bibi ». Il a des flows différents et trouve de nouveaux moyens de placer ses rimes.

Après Or Noir, Sevran a vu émergé beaucoup de rappeurs à succès s’illustrant par la trap à succès au point d’être comparé à Atlanta, qui est la Mecque de ce style outre-Atlantique. Quel est ton avis sur cette comparaison ?

Elle est compréhensible ! Kaaris citait constamment la ville d’où il vient, et de nombreux auditeurs de rap ont pu situer Sevran sur la carte du 93 et même de France. Évidemment que Kaaris a mis un énorme coup de projecteur sur la ville. Ce serait intéressant de voir une enquête de terrain afin de comprendre comment cette ville est devenue « un centre de formation » pour rappeurs comme Kalash Criminel, 13 Block, Maes et pleins d’autres.

Est-ce un album que tu prends toujours plaisir à écouter ?

Toujours ! En raison de la qualité du rap et de l’expression artistique. Toutes les personnes qui ont participé à ce disque, dont l’équipe de Therapy Music ont réussi à singulariser plusieurs influences tout en ne copiant pas simplement ce qui se faisait aux États-Unis. Un album comme « Le bruit de mon âme » réussit parfaitement cette singularité, mais il reste toujours dans l’ombre d’Or noir en raison du succès de cet album.

Propos recueillis par Félix Mubenga

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