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Waleed Aboudipaa est un Palestinien de Gaza qui a exercé le métier de professeur de français pendant dix ans. Là-bas, il a fondé la première école francophone palestinienne pour des enfants de 3 à 9 ans, ainsi qu’une association humanitaire, Tabassam. Pour parfaire ses connaissances, il candidate et est admis au master de Linguistique de Lille en 2019. Le cursus est particulièrement pointu et les premiers temps sont difficiles, mais Waleed persévère.

Aujourd’hui, alors qu’il ne lui reste qu’à soutenir son mémoire, il a reçu une OQTF (obligation de quitter le territoire français). La préfecture veut qu’il retourne à Gaza, actuellement sous le feu des bombes. Un événement qui ajoute à l’angoisse qu’il nourrit pour ses proches toujours à Gaza. Entretien. 

Tout d’abord, comment va votre famille à Gaza ?

Ils sont en vie, c’est tout. Je ne peux pas dire qu’ils vont bien dans ces circonstances, mais ils sont en vie à l’heure actuelle. Ils manquent de produits alimentaires, en particulier de farine. J’essaie de leur en faire parvenir. Il y a aussi les quelques commerçants qui restent et que je connais à qui je demande de faire crédit pour eux… On se débrouille comme on peut.

Vous parvenez toujours à communiquer avec eux ?

C’est extrêmement compliqué étant donné qu’ils ont des difficultés avec internet, le réseau et l’électricité. Je reste en panique des jours avant de pouvoir recevoir un sms ou un appel d’un membre de ma famille. Tout ça parce qu’Israël essaie d’isoler la Palestine du reste du monde.

Les membres de mon association présents à Gaza, principalement des membres de ma famille, ont pu distribuer des colis aux familles dans le besoin sur place, mais c’est très dangereux de bouger, ils ciblent tout le monde. Dans ces circonstances, c’est très difficile d’aider. Ils font preuve d’un très grand courage et risquent leur vie quotidiennement.

De mon côté, j’essaie d’être un lien entre les donateurs ici et les personnes sur le terrain. Je fais le maximum pour aider mon peuple.

Quand avez-vous reçu votre OQTF ?

Je l’ai reçu il y a peu. L’immigration prétend que je ne suis pas bien intégré, dans la mesure où je n’ai pas de famille, ni de femme ici… Alors même que j’ai des amis, mes études, mon travail, et mes activités sportives et associatives.

L’autre motif avancé serait mon manque d’assiduité à la fac. Je suis présent à tous les cours. J’ai eu certes quelques difficultés d’adaptation en arrivant. J’ai dû travailler en plus de mes études pour survivre et essayer d’envoyer un peu d’argent à ma famille. C’est compliqué aussi pour eux qui sont soumis au blocus depuis des années.

Quels recours avez-vous choisi d’emprunter ?

J’ai déjà pris contact avec une avocate. Elle m’a dit qu’il fallait d’abord regrouper un maximum de lettres de mes amis et de mes proches montrant mon intégration et mon assiduité.

Mes camarades de classe de la fac ont écrit des lettres, mes amis du foot, même mon entraineur. C’est dur et un peu humiliant d’avoir à demander aux gens d’écrire des lettres qui disent que vous êtes quelqu’un de bien. Je sais que je suis quelqu’un de bien et tous ces gens le savent aussi. Je ne devrais pas avoir à faire ça.

L’avocate m’a également dit de demander des attestations de travail, et d’envisager une demande d’asile, ce pourquoi j’ai contacté une association sur Lille pour m’aider à emprunter cette voie.

Que pensez-vous de la réaction de la France vis-à-vis du conflit ?

D’habitude, je n’aime pas parler de politique, mais j’admets que je suis extrêmement déçu de la réaction de la France, du monde entier même.

Le pays des Droits de l’Homme doit plaider pour l’arrêt de ce génocide et mettre la pression sur Israël pour un cessez-le-feu immédiat et au minimum le passage d’une aide humanitaire conséquente.

Dans les conflits précédents avec Israël, j’ai perdu trois membres de ma famille, mon père, mon frère et mon neveu, dont j’ai dû ramasser les corps en morceaux. Mon autre frère a passé douze ans et demi dans les prisons israéliennes.

Tout ce que je demande, c’est qu’on soit défendus, protégés, comme ont pu l’être les Ukrainiens, par exemple. On ne mérite pas d’être traités comme des “animaux humains”, comme l’a dit le ministre de la Défense israélien.

Quel message aimeriez-vous faire passer aujourd’hui ?

Tout ce que j’aimerais dire, c’est que je suis déçu et dégouté. J’ai lutté toute ma vie pour diffuser la langue et la culture française en Palestine. J’ai été prof de français dix ans. J’ai ouvert la première école francophone à Gaza, et aujourd’hui, ils vont m’envoyer me faire tuer.

J’étudie ici, je travaille ici, je paie mes taxes comme tout le monde. J’aimerais qu’ils s’en rendent compte. Je veux juste qu’on puisse vivre en paix et en sécurité.

Propos recueillis par Ambre Couvin

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