« Plus jeune, mes meilleurs voyages, c’était à Aulnay-sous-Bois, chez mes cousins… Pas très exotique ! », raconte Mariam N’Diaye. Connue sur les réseaux sous le nom de MayWest, cette femme de 27 ans a très tôt décidé d’explorer le monde.
La jeune femme d’origine sénégalo-mauritanienne a publié son premier roman graphique, en juin, “Voyager seule, même pas peur” (Eds. Hiraki, 2023). Elle y raconte ses aventures aux quatre coins du monde et s’adresse à toute personne souhaitant voyager seule. Entretien.
Tu dis que “tu as longtemps cru que le voyage ne t’étais pas destiné, car il existait peu de représentations et que tu avais des barrières autant psychologiques que financières”. Peux-tu nous expliquer ?
Dans l’enfance, quand tu regardes les dessins animés, c’est toujours un homme blanc avec son sac à dos qui va voyager et découvrir le monde. Pareil dans les livres d’histoire avec Christophe Colomb, par exemple. Ça ne m’est même pas venu à l’esprit que moi aussi, je pouvais aller découvrir le monde.
Même un voyage en Espagne, c’était exceptionnel pour nous
Aussi, dans mon entourage, on ne voyageait pas beaucoup pour des raisons économiques. Et puis on n’avait pas accès à toutes les informations qu’on a aujourd’hui. Les seuls voyages qu’on faisait, nécessitaient d’économiser pendant trois ans pour aller rendre visite à notre grand-mère au Sénégal. Même un voyage en Espagne, qui est pourtant à côté, c’était exceptionnel pour nous. Je pensais vraiment que le voyage n’était pas fait pour moi.
Est-ce qu’il était important pour toi que ce livre soit illustré, de le mettre en image ?
C’était important pour pouvoir raconter visuellement mes voyages. Je veux que les gens les interprètent comme moi, je les ai vécus. C’est aussi un hommage à toutes les personnes que j’ai pu rencontrer, qui m’ont guidée et forgée sur pleins de sujets. C’était important pour moi de les représenter dans le livre et pas juste les décrire. C’est aussi important au niveau de la représentation, pour les petites filles noires. Ça me tient à cœur qu’il y ait un livre avec des personnes qui leur ressemblent.
Toute notre jeunesse, on a eu les aventures de Martine, cette fois-ci, on a les aventures de Mariam. Je veux montrer que je suis une personne lambda et que mes voyages sont accessibles à tout le monde. Par exemple, dans le livre, je n’ai pas fait de chapitre sur le fait de voyager en tant que femme noire parce que je veux tout simplement le banaliser.
Est-ce qu’à travers ce livre illustré, tu veux montrer que les femmes peuvent aussi voyager en solitaire ?
Ce livre raconte mes anecdotes et parle des leçons que j’en ai tirées. Il donne aussi des conseils. Souvent, on voyage accompagné, car on a peur et qu’on a peu d’informations, donc on préfère ne pas prendre de risque. Mais quand on a tous les tips, toutes les astuces pour voyager solo, on se rend compte que c’est possible. Même si voyager seul nécessite de la préparation.
Est-ce qu’au fil des différents voyages que tu as pu effectuer, ton rapport au voyage a changé ?
J’ai l’impression qu’après avoir découvert les autres, je me suis découvert moi-même. Il y a aussi plein de leçons que j’ai apprises sur place. Je me rappelle au début, quand je voyageais au Sénégal ou en Mauritanie, on me disait de faire attention parce qu’il y a beaucoup d’arnaqueurs. Dès que j’allais sur un marché, j’étais déjà sur mes gardes. J’étais aigrie, mais un jour, je me suis dit “attends, c’est une dinguerie d’être énervée en vacances” *rires*.
Et puis un jour, j’étais à Cuba et j’ai rencontré une daronne malienne. Elle voyageait toute seule parce que c’était son rêve d’aller à Cuba, mais elle se faisait toujours arnaquer. Un jour, on prend un taxi ensemble et je me rends compte qu’elle paye beaucoup plus que ce qu’elle devait payer. Je lui dis, mais ça l’a fait plus rire qu’autre chose.
Son état d’esprit ça m’a fait réaliser plein de choses
Elle m’a dit que ça ne la dérangeait pas. Rien que de voir son état d’esprit, ça m’a fait réaliser plein de choses. Maintenant à chaque fois que je vais dans un pays et que je sais qu’on m’arnaque, tant que le prix est raisonnable, je ne dis plus rien. Avec du recul, ce n’est pas si grave que ça, moi, je suis en vacances pendant qu’eux sont en train de travailler.
Est-ce que tu penses qu’écrire un livre était une suite logique en sachant que tu avais déjà tout documenté, filmé et posté sur Instagram ?
Oui parce qu’au départ, je ne voulais même pas filmer mes voyages, mais plutôt les écrire. Je voulais créer un blog et finalement ça ne s’est pas fait. Je suis restée sur Instagram et j’ai continué à faire des petites vidéos. Mais en réalité, j’ai toujours écrit. C’est pour ça que j’ai écrit le livre en un mois et demi, j’avais déjà toute la matière et j’avais tout documenté.
Est-ce que tu aurais un message à passer aux jeunes femmes qui voudraient se lancer dans les voyages en solitaire, mais qui appréhendent ?
Je dis toujours qu’à partir du moment où tu réfléchis trop, c’est déjà mort. Il ne faut pas hésiter et foncer.
Propos recueillis par Fatoumata Koulibaly