Plus de 200 000 personnes suivent Yasmine Golotchoglova sur Instagram. Un public captivé par ses contenus lifestyle centrés sur la musique, les voyages et ses passions. Comme d’autres personnalités, elle a choisi de mettre à profit sa visibilité pour sensibiliser son public au sort des Palestiniens. Les Gazaouis subissent, depuis le 7 octobre, une offensive qui a déjà coûté la vie a plus de 37 396 personnes, dont plus de 14 100 enfants et 9 000 femmes.
Après avoir affirmé son soutien à la cause palestinienne, Yasmine Golotchoglova lance, dimanche 23 juin, un événement caritatif, Eyes On, pour mobiliser et sensibiliser son audience. Pour le Bondy blog, elle revient sur les motivations de son engagement, l’importance de la responsabilité des influenceurs et ses projets futurs pour continuer à faire entendre sa voix. Interview.
Depuis quelque temps, tu prends beaucoup la parole pour la cause palestinienne, jusqu’à créer ton propre événement caritatif. Comment est née cette envie ?
L’idée de l’événement est venue spontanément. J’étais profondément touchée par la situation palestinienne, je me sentais impuissance. Mais quand j’ai commencé à en parler sur mes réseaux, j’ai vu le nombre de réactions que ça a entrainées. J’ai réalisé l’impact de mes stories et le fait que mes appels mobilisaient de nombreuses personnes, y compris des influenceurs. Mon influence digitale devait se poursuivre par quelque chose de concret.
Je voulais créer quelque chose de durable, où les gens puissent se déplacer et participer activement
Le problème d’internet, c’est que les sujets deviennent très vite viraux, mais temporaire. J’ai remarqué une empathie générale, ce que j’appelle la pitié spontanée : les gens voient une information choquante, ils sont émus, puis ils passent à autre chose. Je voulais créer quelque chose de durable, où les gens puissent se déplacer et participer activement. C’est comme ça que l’idée de l’événement Eyes On est née.
En quoi consiste cet événement ?
Ce sera un Market Place, il se tiendra à la Cité Fertile à Pantin, le dimanche 23 juin de 14 heures à 21h30. Il y aura de nombreux stands. Un beauty corner avec des poses de strass dentaires, des prothésistes ongulaires, du henné, des brow lifts. Un coin “Cop ton merch” où des merchs de rappeurs seront vendus à des prix bien plus bas que sur leurs sites. On a également amené des artisans, fleuristes, potiers, céramistes, ou encore de grands photographes comme Delaplace David.
Le vide-dressing sera la partie la plus importante du Market Place, plus de 25 influenceurs vont y vendre leurs vêtements à des prix plafonnés à 20 euros. Il y aura pour finir une partie talk, avec plusieurs intervenants comme Douce Dibondo, qui viendra parler des divers génocides actuels, et des représentants d’associations comme Urgence Palestine ou Caravane Solidaire. C’est un événement pour tout âge, tout genre et toute morphologie.
Tous les fonds collectés seront à 100 % reversés à l’association Human Appeal
Tous les fonds collectés seront à 100 % reversés à l’association Human Appeal, et tous les paiements se feront par QR code, pour permettre un transfert direct et transparent des fonds.
Même ceux qui ne pourront pas assister à l’événement en personne pourront y contribuer. On fera tourner un QR code qui permettra de participer à la cagnotte.
Aussi, dans les semaines à venir, un live Twitch caritatif qui réunira des créateurs de contenus sera organisé au profit de la Palestine. Tout le monde peut participer, que ce soit en venant à l’événement, en faisant des dons en ligne ou en partageant l’information pour sensibiliser plus de personnes.
Peux-tu nous parler de l’équipe et des intervenants qui participeront à l’événement ?
On a monté une équipe de bénévoles dévoués. Parmi ceux qui organisent, il y a Rania de Banlieue Climat, Samy de L’Équipage Solidaire, Raska qui est youtubeur, Ridvan qui est agent d’influenceurs, ou encore Leila qui est streameuse. Des influenceuses comme Zoé Hotuqui et Black Moroccan ont, elles, organisé toute la partie de vente de vêtements.
Tous les intervenants sont bénévoles, personne ne prend un euro et ils engagent même des frais sans se rembourser. Leur présence est un véritable don de leur part, cela montre l’engagement de chacun pour cette cause.
Penses-tu organiser d’autres événements du genre à l’avenir ?
Oui, et c’est pourquoi l’événement s’appelle Eye On et non Eyes on Palestine. J’aimerais pouvoir organiser d’autres événements pour différentes causes qui me touchent. Aujourd’hui, je sais qu’on peut rassembler des gens. Je veux que ces événements aient une crédibilité propre, détachée de ma personne. L’idée, c’est de pouvoir parler de tous les sujets qui sont importants avec des événements concrets.
Penses-tu qu’il existe une responsabilité des influenceurs lorsqu’il s’agit de prendre position sur des sujets importants ?
Bien sûr ! Je trouve ça dommage que certaines personnes pensent que ce n’est pas notre rôle. Quand tu as une audience aussi importante, je ne comprends pas comment tu peux ne pas l’utiliser à bon escient.
Et si on a commencé les réseaux, c’est pour partager, pas pour vendre. C’est Youssoupha qui disait « qui peut prétendre faire du rap sans prendre position ». Pour moi, c’est pareil, si t’es pas là pour partager tes valeurs, c’est quoi le but ? T’espères influencer dans quoi ?
Les gens s’habitueront, apprécieront ces prises de position et auront la curiosité de se renseigner. Moi-même, j’en apprends tous les jours en suivant des influenceurs. Parce que l’éducation sur ces sujets ne se fait pas à l’école. Moi, je me rappelle ne jamais avoir entendu le mot Palestine en cours. Si on ne s’y intéressait pas de son côté, on n’aurait pas été au courant.
Si tu ne peux pas sacrifier un peu de tes revenus pour parler de sujets importants, tu es juste un produit
Les influenceurs ignorent souvent la politique, car elle ne les touche pas directement. On gagne beaucoup d’argent pour peu de travail. Et même si ce n’est pas tout rose, notamment avec les questions de santé mentale, c’est égoïste de ne pas utiliser sa voix pour une cause plus grande que soi. On fait un métier très capitaliste et si tu ne peux pas sacrifier un peu de tes revenus pour parler de sujets importants, tu es juste un produit, et c’est ce que je déplore dans ce milieu.
Aujourd’hui, l’influence est principalement motivée par l’argent, et c’est ce que j’aimerais changer. Je sais que je ne pourrais pas tout transformer, mais je veux montrer ce qui est possible, sans devenir une influenceuse militante. Je veux continuer à partager du contenu futile, mais avec un fond engagé. Parce que c’est compatible.
Quelles ont été les réactions de ton public par rapport à tes prises de positions ? Des réactions négatives ?
Quand on exprime ses idées sur internet, on est forcément exposés à des critiques, mais il faut arrêter de mettre le négatif en avant. Parmi les milliers de messages bienveillants et même de remerciements que j’ai reçus, il y a peut-être quatre messages d’insultes.
Recevoir des messages haineux pour une bonne cause, c’est quelque chose qu’on peut supporter
Les messages de haine, on y est habitués. On se prend de la haine pour tout, pour un concept ou pour un physique, donc recevoir des messages haineux pour une bonne cause, c’est quelque chose qu’on peut supporter.
La vérité, c’est que je suis passée de vivre très très bien à vivre bien. J’ai choisi de refuser des contrats qui ne correspondaient pas à mes valeurs. J’ai perdu beaucoup d’argent, mais c’est un sacrifice financier que je fais consciemment et je m’en plaindrai jamais.
Quel message veux-tu transmettre au public de Eyes On concernant la situation en Palestine ?
Mon objectif avec cet événement, c’est d’amener un autre public. Les gens qui me suivent sont déjà politisés, je sais que j’aurais leur soutien, mais je veux créer chez les gens non politisés une curiosité qui les pousse à se renseigner, à comprendre et à agir. Je veux montrer que le peu qu’ils vont donner sera utilisé de manière concrète et efficace.
Je veux aussi montrer aux autres influenceurs qu’on a un rôle à jouer dans le changement social. Je veux qu’ils voient le mouvement et qu’ils réalisent qu’on peut changer les choses.
Propos recueillis par Luna Hamidi