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Depuis le 7 octobre, le nombre de morts civils ne cessent d’augmenter. Au mépris des timides semonces internationales et des droits humains les plus élémentaires, l’État israélien poursuit sa guerre contre les civils palestiniens. Le dernier bilan du ministère de la Santé à Gaza établit un bilan de 39 175 morts.

Partout dans le monde, les mobilisations se multiplient. Le Zine solidaire pour la Palestine s’inscrit dans ce mouvement. De jeunes artistes militants y rassemblement des œuvres en lien avec leur engagement pour le peuple palestinien. Interview. 

Pouvez-vous présenter votre zine et comment est né le projet ?

Marion : L’idée vient du collectif Artistes Queer pour la Palestine. Ils avaient sorti des zines auxquelles on avait participé. Par la suite, le collectif était en pause. On s’est demandé comment reprendre ce collectif ou faire un zine collaboratif. De mon côté, je faisais des bénéfices en vendant des prints et Ezequiel des broderies. Il traduit des posts Instagram Anglais depuis octobre pour informer sur la situation. On essayait de faire des choses concrètes pour aider.

Le but est de mettre en avant l’art qui représente la Palestine de manière politique et artistique

Ezekiel : Le zine fait 50 pages, il y a une trentaine d’artistes qui ont participé. On a fait un appel à contribution fin mai. On a décentralisé parce qu’on ne voulait pas que ce soit seulement fait par des Parisiens. Il y a des artistes belges, suisses, américains, dubaïotes. On venait du collectif Artistes Queer pour la Palestine, on a une moitié d’artistes queer et/ou des artistes de confession musulmane. Le but n’est pas de faire leur promotion, mais de mettre en avant l’art qui représente la Palestine de manière politique et artistique.

Pourquoi avoir choisi le zine pour soutenir la cause palestinienne ?

Ezekiel : Le zine s’ancre dans les luttes d’éducation populaire, anarchistes, décoloniales. La Palestine possède un art, ses symboles, sa nature. Le génocide est au cœur du sujet, mais le zine permet d’éduquer sur la Palestine. Des personnes ont créé du contenu pour raconter le symbole de la pastèque.

Il permet l’hybridité, une multiplicité de genres et d’arts. La grosse partie du militantisme pro-Palestine qui se fait en ligne et hors ligne sont des manifs ou des rassemblements. Quand tu ne peux pas y aller pour plein de raisons, un handicap ou la distance, c’est important de créer un objet que tu puisses tenir dans tes mains, qui matérialise la lutte et qui soit accessible financièrement.

Marion : Ça rejoint la question de la décentralisation. Ça permet aux gens qui vivent dans des endroits isolés de participer à la lutte et de créer une sensation de communauté, bien qu’ils soient dans un village d’extrême droite avec des gens qui ne partagent pas les mêmes idées.

On retrouve une trentaine d’artistes qui proposent l’art sous différentes formes : poésie, peinture, photographie, même du crochet. Quelle signification derrière cette polyphonie ?

Ezekiel : On n’y a pas pensé avant de faire le zine. On attendait de voir ce que les gens allaient nous envoyer. Ils ont été super créatifs. C’est représentatif du fait que c’est une cause qui fédère des gens qui font plein de choses différentes, avec diverses manières de participer à cette lutte. Ça m’a fait du bien de recevoir ça, de voir tout le monde faire des choses différentes qui convergent vers le même objectif.

Marion : Ezekiel faisait du point de croix, moi de la peinture sur toile. On avait déjà deux médiums différents. Une amie, Anapipa, crochetait des pastèques depuis octobre. Elle les vend dans des marchés d’art, d’illustrations. On a des médiums différents et ça faisait juste sens de les ajouter dans le zine. Ça faisait sens parce que c’était autour de nous.

Un commentaire sous la cagnotte m’a interpellé : « Belle réalisation qui, par la création, contribue à rendre plus supportable cette situation inique que subissent les palestinien·nes ». Comment interprétez-vous cela, l’art a-t-il uniquement un but esthétique ?

Ezekiel : Ce qui m’a marqué en faisant la mise en page, c’est à quel point on regardait les contributions en se disant : « il faut créer un rythme et une continuité dans le zine sans effacer ce qu’il y a de lourd, on parle d’un génocide ». Il faut le rendre digeste et lisible, mais pas « soutenable ». Ce n’est pas l’objectif, même les contributions qui sont entre guillemets plus légères sont intenses.

Marion : L’idée est que chacun puisse accéder à cet objet sans craindre que ce soit insupportable ou autre. On veut donner accès aux choses lourdes, qui peuvent être familières.

Ezekiel : On veut permettre aux gens d’établir un lien avec la Palestine, de sortir de la médiatisation scindée du conflit où ils ont tendance à se dire « ça se passe à l’autre bout du monde et on n’est pas concerné ». Un des objectifs, c’est de provoquer ce qu’il évoque intimement pour tout le monde d’humanité. C’est comprendre pourquoi c’est insupportable et pourquoi c’est nécessaire.

Marion :  On remercie la personne qui a commenté pour sa contribution. C’est la cible. Elle va s’attendre à du contenu « supportable », or au bout de quelques pages, elle va penser : « C’est un peu lourd et en fait, c’est réel ». On s’éduque et on crée de l’empathie. L’art, c’est émotionnel.

La guerre à Gaza n’est plus autant médiatisée qu’elle ne le fût avant les législatives et les J.O, pensez-vous avoir un rôle politique et médiatique (réseaux sociaux) à jouer pour garder ce génocide dans les mémoires ?

Ezekiel : Sur les réseaux sociaux, on se bat avec l’algorithme. C’était le cas avant, là, c’est pire. Il était relativement déjoué par la masse. Comme la masse se désintéresse, on ne retrouve plus l’engagement pour compenser l’algorithme. C’est pour ça que c’est intéressant qu’on soit sorti des réseaux sociaux pour faire ce zine. Peut-être que des gens qui ont contribué un mois auparavant ne se sont plus informés sur la Palestine. Au moment de le recevoir, ça fera une piqûre de rappel.

Marion : Je n’avais pas pensé aux réseaux sociaux pour ce projet. Le but était de le faire passer le plus possible. On a demandé à des grosses têtes d’Instagram de repartager, plein de gens l’ont fait, ça a aidé, mais sur les réseaux, j’avais l’impression qu’on était inondé d’informations. J’avais besoin de lutter hors du virtuel. Pour la promo du zine, on a imprimé des flyers, on est allé voir autour de nous, des cafés, des librairies pour les vendre sur place et toucher ceux qui ne sont pas sur les réseaux. On est allé chercher les gens.

Ezekiel : L’information a tellement circulé exclusivement sur les réseaux sociaux, ça crée de l’accoutumance. @LetstalkPalestine ont leur canal, ils postent des messages que je repartage. Je sais bien que les gens ne les lisent plus, ils skippent juste mes stories, car c’est le même format. Le zine est un format, un médium pour dire aux gens que la lutte est partout, pas juste sur le téléphone.

Marion : C’est aussi pour combattre l’entre soi qu’on trouve dans le digital, où nos stories vont vers ceux qui sont de notre avis. Oui, ce sont ces gens-là qui vont aider à collecter des dons, mais se déplacer va permettre de toucher des gens aux opinions différentes, de les amener à s’intéresser au projet parce qu’ils étaient neutres contrairement à nos abonnés qui militent.

Ezequiel : Par exemple, nos parents ont acheté le zine. C’est une génération différente, absente des réseaux, qui écoute beaucoup plus la radio, un média, 100 % biaisé et pas dans les mêmes militances que nous. Ça nous a touchés. Ils l’ont acheté parce que c’est nous, certes, mais indirectement, ils militent avec nous. On leur a présenté comme un projet qui fait du bien.

Propos recueillis par Farah Rhimi

Le zine et les impressions riso seront disponibles dans les libraires Violette and co (75011) et La Régulière (75018) le 7 août. Le zine, version papier, est accessible en ligne.

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