« Ce n’est pas la gauche la France, ce n’est pas la droite la France, c’est tous les Français ». Le ton est donné à travers ces paroles empruntées au général De Gaulle. Face à la tendance « à droite toute » de sa famille politique, il entend représenter le rassemblement et tordre le cou au pessimisme ambiant. En campagne, il développe également les grandes lignes de son programme pour 2017 dans la course aux primaires UMP. S’il joue la carte du centrisme, c’est bien une politique de droite qu’il entend mettre en place.
Normalien, énarque, Alain Juppé a le profil typique du haut fonctionnaire et homme politique Français. Après diffusion de la conférence de rédaction, très critique tant sur cette question que sur celle de l’âge de l’intéressé, il répond non sans humour et cite Brassens « le temps ne fait rien à l’affaire, quand on est con, on est con ». Nul doute qu’un gouvernement tenu par ce dernier serait, en respect de ce principe composé de membres d’âges, d’origines divers.
En plateau, il rejoint Latifa Oulkhouir, Mehdi Meklat et Badroudine Saïd Abdallah. Pour ce qui est des questions de société, rien de bien original. Tradition républicaine, laïcité et féminisme proclamé sont les maîtres mots de l’interview. Interrogé sur la question du voile, il se déclare contre la burqa, qui s’oppose au « principe de l’identification » ainsi qu’au port de tout signe religieux à l’école. Cependant, il ajoute «dans l’espace public, ça ne me gène pas ». Il reconnait également le danger du contexte islamophobe et condamne les actes de ce type, notamment à l’encontre des femmes voilées. Pour lui, la solution au climat de tension actuel est le dialogue interculturel.
A quelques jours de la journée internationale des droits des femmes, il est invité à s’exprimer sur la question, lui qui évolue au sein d’un parti qui a bien souvent préféré payer que respecter la parité. Étrange de la part d’une organisation si humble qu’elle a dû en appeler à la générosité de ses membres en 2013 pour rembourser ses comptes de campagnes. C’est dû, dit-il, à la difficulté qu’il y a à trouver des femmes en politique. Aux blogueurs lui objectant qu’il faudrait pour cela que certains gérontocrates leurs laissent la place, il se déclare prêt à le faire « à une femme qui gagnera les primaires ». Le schéma selon lequel la gauche serait féministe et la droite sexiste est selon lui «caricatural ». Il note ces dernières années des « progrès spectaculaires mais insuffisants » pour l’égalité hommes-femmes en donnant l’exemple très original et inattendu des salaires équivalents dans la fonction publique à poste égal.
Interrogé également sur la situation du président des jeunes l’UMP, Stéphane Tiki, il botte en touche. « Je ne sais pas s’il est Français ». Informé de sa naturalisation en cours il complète « Il le sera quand aura été naturalisé. C’est très clair, il y a des lois. Quand on est dans la loi on est Français. Je suis très attaché au droit du sol et au droit du sang ».
« A force de taxer, on tue l’activité économique »
Autre question polémique, celle du « FNPS », nouveau concept Sarkozyste. Juppé élude, niant tout lien idéologique, mais soulignant une « connivence objective » considérant que « souvent, le FN a fait le jeu du PS ».
Le tête-à-tête avec Nassira El Moaddem dans « l’@ddition » est riche d’enseignements. Interrogé sur sa volonté de supprimer l’ISF, il rétorque que c’est un impôt « anti-économique », car « les entreprises ont besoin de fonds propres qui viennent des épargnants ». Selon lui « à force de taxer, on tue l’activité économique ». Pour compenser les 100 milliards de rentrées fiscales qui s’envolent en même temps que l’impôt sur les grandes fortunes, il propose une nouvelle reforme territoriale, une baisse des dépenses publiques, un âge de départ à la retraite repoussé à 65 ans, et une réforme des prestations sociales. Pour ces deux derniers points, on se souvient du « plan juppé » qui avait entraîné les grandes grèves de 1995 et qui déjà allaient dans le sens d’une politique de rigueur.
A l’heure des questions du public, l’ex-ministre des affaires étrangères de mars 1993 à mai 1995, puis de 2011 à 2012, est interrogé sur la responsabilité de la France dans le génocide Rwandais, et parle de « falsification historique ». Il ne se reconnaît « aucune responsabilité » dans ces événements. Il défend par ailleurs, comme il l’a toujours fait l’opération Turquoise menée en 1994 sous mandat des Nations unies.
Bien évidemment, il est aussi questionné sur le conflit Israélo-palestinien. Il se déclare de façon « non négociable » favorable à un Etat d’Israël sécurisé, mais reconnait un contexte de colonisation et la nécessité d’un Etat Palestinien, considérant que la situation ne pourra s’apaiser que par le travail des hommes politiques sur place.
Le candidat conclut en évoquant quatre chantiers. Il souhaite renouer avec la croissance en libérant les entreprises de contraintes fiscales excessives et en limitant les dépenses publiques. De tradition Gaulliste, il veut reconstituer un Etat fort laïc, et un contrôle strict des flux migratoires. La construction Européenne est également centrale pour lui, et il désire « réconcilier les Français avec l’Europe ».
Enfin, il promet une réforme de l’éducation « mettant les enseignants au cœur du dispositif ». Ainsi, Alain Juppé souhaite s’insérer dans l’espace laissé libre entre les déçus du gouvernement Hollande, les anti-sakozystes et le Front national, sur fond de rassemblement centriste. Cependant, c’est bien l’ébauche d’un programme de droite tant sur le plan économique que social, qu’il a présenté au Bondy Blog Café.
Mathieu Blard
Diffusion : dimanche 8 mars à 12h sur France Ô et 13h sur LCP
Alain Juppé : « Je pense qu’aujourd’hui, j’ai ma chance »
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