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Assise sur les marches de son école, Clara, étudiante en Master digital, est résolue. Dimanche 9 juin, elle ira voter. « C’est important, déjà en tant que femme, je sais qu’on n’a pas toujours eu le droit de le faire, mais je sais déjà que je voterai blanc. Pourquoi m’emmerder, sérieux ? Ils sont soit pas à la hauteur, soit tous menteurs », lâche l’étudiante de 22 ans.

À en croire les précédents scrutin européen, Clara fait presque figure d’exception. En 2019, les élections européennes avaient été marquées par une abstention de 50 %, dont plus de 60 % chez les moins de 30 ans. Cette élection n’est pas la première en termes d’abstention, mais elle reste l’une des plus méconnues du grand public tant par son fonctionnement que par sa finalité.

Malgré ce flou, tous les jeunes à qui nous avons parlé reconnaissent une certaine utilité au Parlement européen. « Franchement, moi, je dis vive Schengen ! On peut aller à la mer en Espagne, à la neige en Suisse et en Hollande sans passeport ni rien. Juste pour ça, je suis content d’être en Europe », s’enthousiasme Heder, jeune habitant de Seine-et-Marne. Une satisfaction qui ne le poussera pas à se rendre aux urnes dimanche. « Franchement, cette élection ou une autre, moi, je m’en fiche complètement de la politique, donc je ne vois pas pourquoi j’irai voter », expose le commercial itinérant de 20 ans.

Aujourd’hui, j’arrive à me rendre compte que l’UE fait beaucoup

« On a 2 ou 3 cours d’éducation morale et civique au lycée qui t’apprennent le fonctionnement de l’Union européenne, puis plus rien. Donc, je comprends un peu le chiffre d’abstention », analyse Tiphaine, 21 ans. Comme Heber, elle réside dans le 77, mais contrairement à lui, elle ira voter dimanche. Membre du parti de la majorité présidentielle, Renaissance, Tiphaine explique d’un ton engagé : « Aujourd’hui, j’arrive à me rendre compte que l’UE fait beaucoup. Que ce soit pour moi, mais aussi pour la France, avec la gestion du Covid ou pour son aide sur la loi Pacte ».

De l’autre côté de l’échiquier politique, on retrouve Zoubir, sympathisant de la France insoumise, affublé de son pantalon à pinces qu’il qualifie lui-même de « pantalon corporate » du fait de son nouveau statut en CDI. « D’une manière générale, je pense que l’Europe est une bonne chose vis-à-vis de ce que ça peut nous apporter. Mais l’Europe telle qu’elle est aujourd’hui, je ne suis pas entièrement d’accord. Les arcanes politiques sont trop lents et on a constamment de nouvelles choses qui font que l’Europe est toujours dépassée », déplore-t-il.

Une montée de l’extrême-droite au cœur des préoccupations

En haut de la liste, les sondages donnent le Rassemblement National, avec à sa tête Jordan Bardella, entre 29 et 35 %.  Un macchiato glacé à la main, Clara se penche sur la question. « J’entends beaucoup dire que les Européennes, c’est une sorte de répétition pour la présidentielle, donc si Bardella est vainqueur, je pense que ça montre que pour les prochaines élections, Marine sera élue », s’inquiète-t-elle.

 Avec ce qu’on entend sur le RN, j’ai peur pour la suite – Heder

De son côté, Tiphaine, observe la position de l’extrême-droite avec colère. « Je trouve ça très inquiétant et incompréhensible. Sérieux, je ne comprends pas les gens qui veulent voter pour lui, surtout au niveau de son travail à l’UE. Ça m’énerve parce que je vois derrière son masque, je sais qu’il ment quand il dit vouloir aider la France », s’agace-t-elle en arrachant les derniers pétales de la fleur qu’elle tient entre ses mains.

Sur un ton plus apaisé, Zoubir reste quant à lui sceptique sur ce qu’on peut entendre sur la campagne. « Je me méfie beaucoup des sondages, il y a qu’à voir le score qu’a fait LFI aux législatives en 2022 comparé à ce qui était annoncé. Et même si je pense que le RN est bien placé dans cette élection, cela ne me choque pas plus que ça. L’extrême droite est depuis plusieurs années très haute dans les différentes élections donc en soi ça ne change pas de d’habitude. »

L’actualité internationale au cœur de l’élection

Autre sujet d’importance pour ces élections, l’actualité internationale. Depuis l’invasion de l’Ukraine en février 2022 ou plus récemment la situation en Palestine, ces sujets ont désormais pris place dans les campagnes et les programmes des différents partis. Clara voit en ces causes un point de ralliement. « Pour la Palestine, je pense que cette situation va être un critère de vote important. Les gens qui souhaitent aider la Palestine vont se mobiliser et aller voter pour des listes qui veulent aider la Palestine. »

Cependant, tous ne sont pas du même avis. C’est le cas de Tiphaine qui, bien qu’elle reconnaisse son importance, émet des réserves concernant la place de ce sujet dans les campagnes des candidats. « La guerre en Ukraine va être pour moi un enjeu de ces élections parce que ce n’est pas si loin que ça. Il y a un risque de toucher un pays de l’UE un jour ou l’autre. Et pour la Palestine, je ne pense pas que ce soit le lieu pour parler de ça. Mais ce que je peux concéder, au moins, c’est que ça a permis de sensibiliser et d’inciter les jeunes à aller voter. Ça a créé un élan de réflexion sur comment on peut changer ce qu’il se passe. »

L’actualité internationale doit être un enjeu dans ces élections

Un avis contredit par Zoubir qui voit en l’actualité internationale la fondation même des partis et campagne. « Je pense qu’aujourd’hui l’actualité internationale est fondamentalement liée aux élections. Même si certains détracteurs pourraient dire que cela n’a rien voir, je pense que c’est lié. Je peux citer la demande de suspension du traité entre l’UE et Israël demandé par le PS et LFI. Même au sein de l’UE, c’est le bordel sur cette question. Entre ceux qui reconnaissent la Palestine, ceux qui hésitent et ceux qui ont encore de fortes relations avec l’État hébreu… Je pense que l’actualité internationale doit être un enjeu dans ces élections. »

Quel avenir pour l’Europe ?

Enfin, interrogé sur leur vision de l’UE dans un avenir lointain, nos jeunes électeurs expriment des avis divergents. Heder, le regard las, reste pessimiste. « Je pense que l’UE va à terme disparaître et que tout le monde va partir à cause de problèmes entre eux. »

À l’inverse, Zoubir voit un avenir plus prometteur pour l’UE, mais soulève également des inquiétudes. « À l’avenir, notamment avec les tensions entre les pays frontaliers ou de l’invasion en Ukraine, je penche pour un élargissement de l’UE. Ça restera une force d’attraction, c’est sûr, mais ça deviendra un cas à double tranchant. Plus on est fort, plus on a du poids, mais plus on est nombreux autour de la table, plus ça devient difficile de trouver un consensus. » Clara, quant à elle, estime que « l’UE va s’agrandir avec l’inclusion de davantage de membre, mais que son influence restera la même. »  Abstentionnistes ou engagés, ces jeunes ont en tout cas beaucoup de choses à dire sur l’Europe.  

Nour Habert

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