« C’est ici que se situe la première terre de résistance à l’extrême droite en France », clame Stéphane Peu (PCF) député de la 2ᵉ circonscription de Seine-Saint-Denis. Dans le département, la liste menée par l’Insoumise, Manon Aubry, est arrivée en tête avec 37,13 % des voix, suivie par Jordan Bardella avec 16,89 %. La Seine-Saint-Denis est ainsi le seul département à être teintée de rouge au lendemain des Européennes, contrastant avec une “France noir” aux couleurs du Rassemblement National (RN).
« Le RN est le parti qui a été normalisé par tous les gouvernements successifs au pouvoir », peste Nadège Abomangoli, députée La France Insoumise (LFI) dans la 10ᵉ circonscription du 93. Cette dernière se dit loin d’être surprise des résultats nationaux. « Quand le clan Macron a proposé la loi Immigration, un député du Rassemblement national a déclaré qu’il fallait voter leur texte parce que c’était une victoire idéologique qui leur était offerte sur un plateau. S’ajoute à ça, une classe médiatique fascinée par le RN et Bardella », analyse la députée.
Emmanuel Macron joue avec la vie des personnes qui seraient les premières victimes d’un RN au pouvoir
Le 9 juin, le choix du président de dissoudre l’Assemblée nationale a frappé la France comme un coup de tonnerre. « C’est un étonnement par rapport à la temporalité », réagissent les députés qui s’attendaient à cette dissolution, mais plus tard dans l’année. « À l’assemblée, la question de la dissolution revient souvent. Bardella a dit que s’il gagnait, il dissoudrait l’assemblée, Macron le fait à sa place », observe Nadège Abomangoli. « Il joue avec la vie des gens, des personnes qui seraient les premières victimes d’un RN au pouvoir. C’est une brutalité et un cynisme absolu. »
Un « Nouveau Front Populaire »
Très vite après l’annonce, la gauche a réussi à faire bloc et a annoncé l’union contre le RN en créant le « Nouveau Front Populaire ». Une union des gauches qui redonne du souffle après les nombreuses divisions auxquelles ils ont fait face lors des Européennes. Les Insoumis, les communistes, les socialistes et le NPA (Nouveau parti anticapitaliste) ont rejoint le mouvement.
« Ils ne peuvent plus, aujourd’hui, prétendre être la force qui empêche le Rassemblement national de prendre le pouvoir », avance Éric Coquerel, député LFI de la 1ʳᵉ circonscription de Seine-Saint-Denis, à propos du clan d’Emmanuel Macron.
Dans la période actuelle, un “Nouveau Front Populaire », ce sont des questions sociales, de racisme, il faut être conséquent
« Je souhaite aussi que les collectifs qui représentent les quartiers populaires soient dans ce cadre », insiste Éric Coquerel. « J’estime que dans la période actuelle, un “Nouveau Front Populaire », ce sont des questions sociales, de racisme, il faut être conséquent », abonde Nadège Abomangoli.
Les députés espèrent pouvoir constituer une véritable « gauche de rupture », seul espoir de s’imposer dans les urnes. « Il y aura des mesures d’urgence », ajoutent les députés, faisant référence à un “cessez-le-feu à Gaza” ou encore “la retraite à 60 ans”. À ce stade, les négociations se poursuivent entre les différents partis de gauche, autant sur le fond du programme commun que sur la répartition des circonscriptions pour les législatives.
Cette mobilisation en faveur des voix de gauche dans le département de la Seine-Saint-Denis, n’est pas anodine. Nadège Abomangoli, souligne le fait que « lorsque nous avons fait campagne, ce qui revenait beaucoup, c’est “faire barrage au RN”. Il y a une résistance pour les premières personnes concernées ».
Mobiliser les abstentionnistes
Malgré une hausse de la participation, le taux d’abstention dans le département a été de 56,67 % aux élections européennes. « Il y a le fait que les populations sont souvent dans des situations extrêmement précaires et difficiles qui ne leur laissent pas toujours le loisir de pouvoir s’intéresser au débat public », explique Stéphane Peu (PCF). Mais le député ne désespère pas de mobiliser les électeurs de Seine-Saint-Denis les 30 juin et 7 juillet prochains.
« Un département très populaire comme le nôtre, qui incarne la France qui se lève tôt, souvent méprisé, en première ligne des politiques anti-sociales de Macron. Face à ça, ils veulent une gauche à la hauteur », souligne Stéphane Peu. Ainsi, la Seine-Saint-Denis, « terre de résistance » va être le département à mobiliser en masse pour espérer faire un barrage clair à l’extrême droite.
Lisa Sourice
Photo : Yasmine Mrida