Monsieur Ferreira a 60 ans, et vit à Noisy (Seine-Saint-Denis) depuis un an. Dans un sourire entendu, comme s’il s’agissait d’une évidence, il énumère les raisons qui l’ont poussé à voter pour Macron : « le pourquoi, il est simple. Je suis pour l’Europe », glisse l’homme qui confie s’ériger contre toute forme de discrimination dans sa vie quotidienne.
Il est environ midi, aux abords des bureaux de vote 2 et 3 à Noisy-Le-Grand. Le calme règne. Quelques éclats de voix sont à peine perceptibles. En ce dimanche ensoleillé du 24 avril, le second tour de l’élection présidentielle n’a guère attiré les foules. Nous croisons juste une poignée de personnes entrer et sortir des bureaux de vote. Une abstention à plus de 30% malgré le face à face de Macron avec l’extrême droite.
Le report des voix de Mélenchon
Comme dans les autres villes du département, Jean-Luc Mélenchon a été massivement porté en tête au premier tour avec 36% des voix. Macron a recueilli 72,7 % des suffrages exprimés, soit 17 608 voix obtenues au second tour. Alors que, Marine Le Pen n’en a que rassemblé 6584.
La compagne de Monsieur Ferreira, Chira Anifa, âgée de 58 ans, a également porté son choix sur le chef de l’Etat, pour les mêmes motifs que son mari. Cependant «Je ne suis pas satisfaite de ce que propose Monsieur Macron à 100 % aussi. C’est le moins pire, c’est un vote contre le racisme », lâche-t-elle résignée.
Madame Rolland habite à Noisy depuis 17 ans et travaille dans l’événementiel. Elle accorde une grande importance au scrutin présidentiel. « C’est utile. Ce sera quelque chose qui prône la démocratie », juge-t-elle. Avant de concéder : « ce qui profitera à En Marche, même si je n’adhère pas à tout le programme, en fait. »
Un vote d’extrême droit qui gagne du terrain
Nous interpellons Madame Bernard, une fonctionnaire d’environ 60 ans, juste avant qu’elle ne vote. Elle confie avoir donné son vote pour Marine Le Pen. Pour elle c’en est trop. Et l’extrême droite ne fait pas peur, au contraire. « Marine Le Pen n’a pas eu la possibilité de montrer ce qu’elle est capable de faire. Elle est tout de suite diabolisée. Elle a une légitimité en arrivant au second tour. Si elle n’est pas élue, je ne suis pas sûr qu’il y ait un vote d’adhésion en faveur de Macron ».
Des témoignages résument le sentiment général qui traverse le pays au sujet de cette élection. Elle a suscité peu d’enthousiasme, en raison d’une campagne atone, ou le Président s’est refusé obstinément à tout débat sur son bilan avant le premier tour.
« Sur les cinq dernières années, tout n’a pas été bien fait », constate Monsieur Ferreira. «Pratiquement tout le monde est contre les deux candidats. On se demande ce que ça va devenir au niveau des élections », lâche-t-il avec lassitude. Selon Madame Bernard, cette défection pour la participation démocratique s’explique par l’absence d’offre politique intéressante car « les programmes des candidats ne parviennent pas à convaincre. »
Une lassitude politique
Avant la pandémie, une grande partie de la population avait exprimé dans la rue son mécontentement face à la politique libérale menée par le chef d’En Marche. On pense ainsi aux nombreuses contestations sociales qui ont émaillé le quinquennat : la grève contre la réforme des retraites, de l’hôpital, le mouvement des gilets jaunes,etc. Sa pratique verticale du pouvoir à également été vilipendée, le président étant souvent accusé de mépriser tous les corps intermédiaires. Quant à Marine Le Pen, elle cristallise le rejet en raison d’une filiation, d’une idéologie et d’un programme xénophobes et anti-démocratiques.
À Noisy-le-Grand, le scrutin a mis en lumière une grande lassitude démocratique, dans la mesure où nombre d’électeurs ne se retrouvent pas dans l’offre politique proposée par les deux candidats. La femme de Monsieur Ferrara embraye : « C’est dommage qu’il n’y ait pas d’autre personne que ces deux candidats. On aurait bien voulu que ce soit plus diversifié ».
Je fais mon devoir citoyen avant tout. Il y a un contexte international tendu.
Quant à Madame Rolland, elle nous confie son inquiétude face à la progression inexorable du RN: « C’est toujours la même chose, ça fait plus de vingt ans que les extrêmes sont très clivants, et qu’ils arrivent toujours en tête. »
Elle tire un bilan très mitigé de la campagne: « Je fais mon devoir citoyen avant tout. Il y a un contexte international tendu. Je préfère donc continuer avec Macron, même si je ne partage pas son bilan, qu’essayer autre chose de plus radical et extrême. »
De son côté, Monsieur Ferreira est péssimiste. « C’est bien dommage que depuis quelques années, les extrêmes arrivent au deuxième tour ». L’homme redoute même un nouveau duel avec Marine Le Pen. Il n’est pas le seul.
Hervé Hinopay