Plus de 80 000 abonnées sur TikTok, près de 18 000 sur Instagram. Depuis le Covid où elle a acheté son premier oud « sur un coup de tête » pour apprendre en autodidacte, Lina enchaîne les reprises de morceaux avec cet instrument à cordes unique, répandu en Afrique du Nord et dans les pays arabes.
Entre traditions et modernité, elle s’inspire aussi bien du chaâbi et du chaoui, par ses origines algéroises et biskrites, que du hip-hop et de la musique des années 2000. Le tout crée un cocktail détonnant. Comme ce remix à plus de 100 000 like entre le titre Know what you want du duo Busta Rhymes-Mariah Carey et Sabri Aleel de la chanteuse égyptienne Sherine. Ou ces percussions ajoutées au rap de Jul. « Je pense que Jul est kabyle », plaisante Lina, relayant ainsi une conviction largement partagée au sein de la rédaction du Bondy blog.
Une enfance bercée par la musique orientale
Par sa facilité à mélanger les genres, elle s’identifie à Warda el-Jazaïria, diva algérienne de la chanson d’amour qu’elle considère comme sa plus grande inspiration. « Au-delà de sa musique, j’admire son parcours et la manière dont elle s’est imposée dans un milieu plutôt masculin à l’époque. » Elle montre la vidéo d’une prestation qui la touche. On y voit Warda reprendre, pour la première fois sur la télévision française, Les feuilles mortes d’Yves Montand, accompagnée par Georges Moustaki. « J’aime vraiment comment elle arrive à intégrer son timbre à la chanson française, on sent qu’il vient de l’autre côté de la Méditerranée, mais elle excelle », commente la musicienne de 24 ans.
On l’entend un peu partout, mais en même temps de manière assez subtile. Je trouve qu’il a un son très profond
Son amour pour la musique orientale prend racines dans sa famille où les fêtes rythment les moments de vie. Très jeune, elle se familiarise alors avec la musique algéroise. Elle prend des cours de violon et de solfège avant d’intégrer un petit ensemble qui joue de la musique arabo-andalouse. C’est là qu’elle découvre le oud, un « instrument roi » dans la musique orientale, selon elle. « On l’entend un peu partout, mais en même temps de manière assez subtile. Je trouve qu’il a un son très profond. » D’un instrument qui lui semblait inaccessible et compliqué à pratiquer, Lina en a désormais fait sa marque de fabrique. Aujourd’hui, elle ne s’en sépare plus.
Les réseaux sociaux comme tremplin professionnel
De la chambre aux studios d’enregistrements, il n’y a qu’un pas. À force de gagner en popularité sur les réseaux sociaux, Lina commence aussi à se faire un nom dans l’industrie musicale. Sa première fois en studio, c’est avec l’équipe du musicien palestinien Saint-Levant. « C’était par rapport à son projet Deira, ils avaient besoin d’un oud donc son équipe m’a contactée le jour-même », raconte-t-elle.
Par la suite, elle reçoit plusieurs demandes. Soit de la part des chanteurs directement, soit de la part de beatmakers qui cherchent à proposer des prods à des artistes. Parmi ces demandes, on trouve le rappeur Hornet La Frappe. Un de ses amis a repéré Lina sur Tiktok et lui a proposé de jouer sur le morceau Samira. « J’ai rencontré Hornet et son équipe et on a joué directement. Il a apprécié. Je l’ai revu par la suite pour suivre un petit peu le projet du son. C’était une belle expérience », raconte l’oudiste.
Je n’ai pas seulement joué du oud, il m’a vraiment invitée à participer à son projet
Plus récemment, c’est avec Lym’s que Lina a collaboré. Même démarche. Après avoir vu ses vidéos de reprise sur Tiktok, le rappeur l’a contactée pour jouer du oud sur deux morceaux de son EP “DSDN” sorti le 6 décembre dernier. Les deux artistes se sont alors rapidement rencontrés en studio. En une session d’enregistrement, leurs titres en featuring sont bouclés. « On a tout de suite accroché », confie Lina qui parle d’une connexion naturelle : « Je n’ai pas seulement joué du oud, il m’a vraiment invitée à participer à son projet. Il m’a demandé mon avis sur tous les sons, j’ai aussi pu apporter des idées sur les instrus. » Un vrai travail d’équipe salué par la jeune femme.
Quand on lui demande avec quelle artiste elle rêverait de travailler, Lina n’hésite pas une seconde : Zaho. « Je l’aime trop. Comme toutes les personnes de ma génération, je pense. Elle a bercé notre enfance. » Elle applaudit la volonté de la chanteuse de ramener de la jeunesse dans ses derniers projets. « Si je croise son chemin un jour… », se met-elle à imaginer sourire aux lèvres.
Avec lisa, un duo de choc
Au quotidien, Lina n’est pas seule. Son amie et manageuse Lisa l’accompagne. Comme elle, Lisa a toujours baigné dans la musique. « Dans les familles rebeues, il y a souvent un oncle qui joue de la guitare », se souvient-elle sur un ton enjoué. Petite, elle pratique aussi la danse. Et lorsque son chemin croise celui de Lina, cette dernière l’encourage à se mettre au DJ mix. « Je ne sais pas comment nous définir, on est un peu un duo, hein ? », demande Lisa à Lina qui acquiesce. Les deux amies se complètent. Elles se proposent mutuellement des idées pour évoluer main dans la main dans l’industrie de la musique. « Parfois, j’ai des choses en tête que je n’arrive pas à retranscrire donc c’est Lina qui le fait. Ou alors, je lui donne des onomatopées de sons et elle arrive à les ressortir au oud », explique la manageuse de 24 ans.
J’aime bien composer, développer mon contenu sur les réseaux et proposer des prods à des artistes
Avec son bagage académique en droit, Lina cherche un travail de juriste en plus de continuer à composer de la musique. Elle aimerait rendre ses réseaux plus professionnels en publiant du contenu plus qualitatif. « J’aime bien composer, développer mon contenu sur les réseaux et proposer des prods à des artistes », détaille la musicienne. « Pourquoi pas faire des scènes aussi ? Je n’en ai pas fait beaucoup. » Elle estime qu’elle aura « percé » une fois qu’elle pourra compter sur un public solide.
« Quand tu pourras vivre de ta musique aussi », ajoute Lisa qui n’a que des compliments pour son amie. « Je la trouve trop forte. Tout ce qu’elle touche, elle arrive à en faire quelque chose. C’est fascinant. Si on enlève le côté amical, j’aurais pu la suivre sur les réseaux parce que je kiffe ce qu’elle fait. » Pour l’instant, le duo peut compter sur le soutien des Algériens. C’est le public qui suit le plus le contenu de Lina sur les réseaux sociaux. « Peut-être un concert à Alger bientôt ? », rêve-t-elle.
Lilia Aoudia