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Nimbée de lumières vertes, rouges et blanches, la salle de concert du Canal 93 dégage une chaleur bienveillante. Hommes, femmes, enfants, vieux, jeunes, et entre-deux, dansent, crient, filment et rient. Sur la scène, ce soir, tout le monde pourra s’exprimer.

Dans le cadre de sa série d’Open mic lié du projet Terre hip hop, le centre culturel accueille l’association de Jérusalem est, Al-Bustan. Les locaux de ce centre ont été détruits par l’armée Israélienne en novembre dernier. L’association qui propose des activités culturelles et sociales ainsi que du soutien scolaire, est financée par le ministère des Affaires étrangères et 21 communes françaises. Cette démolition s’ajoute aux nombreuses destructions de maisons et d’infrastructures du quartier de Silwan. Et ce soir, de multiples artistes ont voulu leur témoigner leur soutien.

Jeunes ambassadeurs et poètes

La soirée s’ouvre sur des prises de parole. Après le maire de Bobigny, Abdel Sadi, et le président du conseil départemental, c’est aux jeunes ambassadeurs de l’association palestinienne de s’exprimer. Messages d’espoir et de résilience, conclus par une touche de poésie : un poème qui parle de vie, de communion et de résistance. Des petits soucis de traduction, qui demandent le concours de plusieurs personnes et du public, témoignent de l’ambiance conviviale. De la poésie participative, en somme, qui s’achève sous les clameurs de la salle.

La destruction du centre, ça a été horrible. C’était comme perdre une partie de soi-même

Watan* et Tahura*, membres d’Al Bustan, sont venues de Jérusalem est. « La destruction du centre, ça a été horrible. C’était comme perdre une partie de soi-même. Pour autant, on n’a pas arrêté nos actions, on ne peut pas abandonner », témoignent-elles. Face à l’assemblée, Watan en appel au public. « Si vous estimez avoir de l’humanité, vous devez vous attacher à la cause palestinienne. »

Exposition photo et pastels

Lorsque la chaleur de la salle devient un peu trop intense, la cafétéria adjacente se transforme en sas de respiration. Boissons fraîches et plats chauds partent comme des petits pains. En attendant son tour, on peut admirer les photos de Sonia Bela, prises en Palestine. Sur les clichés, en noir et blanc, le quotidien de palestiniens prend vie. Enfants, vieux, adultes, l’un endormi à sa boutique, les autres courant dans les rues joyeusement.

Ici, Karim et Aksel attendent patiemment leur tour, drapeau palestinien noué sur les épaules. Ces deux jeunes hommes ont eu la chance de partir à Jérusalem en juillet 2023, dans le cadre de la coopération de leurs communes avec l’association. Une expérience qui leur a laissé un souvenir impérissable et des amitiés de longue date. « Ce projet m’a énormément marqué. Au début, on pensait rencontrer des collègues, on est reparti avec des amis proches. On s’est énormément développé sur le plan humain et sur beaucoup d’aspects », décrit Karim.

Certains de nos amis ont perdu des proches, on ne peut qu’être en empathie avec eux

Une expérience qui n’a rendu que plus douloureuse la destruction du centre, du quartier et, au sens large, le génocide de l’armée israélienne. « La peur, elle est omniprésente et quotidienne. Certains de nos amis ont perdu des proches, on ne peut qu’être en empathie avec eux. On a ressenti leur peur, au fur à mesure des mois, on a été témoins de leur douleur, souvent », relate Aksel.

Un concert in-Oud-bliable

Commencent ensuite les festivités : Oslood, rappeur palestinien né au Liban et Issa, joueur de oud, forment ensemble le duo Wala Marra. Le public est conquis, reprend en chœur les paroles des chansons interprétées. Le duo est fort, Oslood dégage une énergie folle et lorsqu’Issa entame un solo de oud, l’audience est béate. Après ces quelques morceaux, Oslood reste sur scène pour accompagner les artistes de l’open mic.

Avant les rappeurs, c’est aux chanteurs et chanteuses d’investir la scène, et c’est un moment de communion entre eux et l’assistance, qui semble vibrer au son de leurs voix, et à la ferveur des paroles entonnées.

Open mic, open hearts

Rapide et sec, ou lourd et profond, les styles sont variés et s’enchaînent sur le mix du DJ Junkaz Lou. Pendant qu’ils performent, un artiste – @Yellow_Boombapgraffiti – exécute derrière eux une fresque à la bombe. Ainsi, au fur et à mesure de la soirée, on voit se dessiner la silhouette d’une femme, sac à dos sur les épaules, brandissant le drapeau palestinien. Les enchaînements sont fluides, les rappeurs émergent tour à tour de la troupe amassée sur scène pour venir poser leur verse. Quand l’un d’eux éprouve des difficultés, le public montre son soutien sans réserve et l’encourage à recommencer. Une ambiance bienveillante et chaleureuse, envers et contre tout.

Les phases parlent de la vie quotidienne, de la Palestine, mais aussi des violences policières, des difficultés de la vie de quartier, des sujets politiques pas toujours perçus comme tel, mais liés par l’oppression capitaliste et coloniale.

Tu ne peux pas venir faire le show, mais ne pas t’impliquer derrière

Pour les jeunes rappeurs venus se produire ce soir, la question palestinienne est importante. « Je ne suis pas le plus qualifié ou le mieux renseigné sur la question, c’est sûr, mais évidemment ça me touche », explique Polo KD, jeune rappeur, accompagné de son acolyte Akira (Ruban Rouge). À leurs côtés, BLN et Franklin, deux autres artistes, débattent du sujet entre eux. Pour Franklin, « tu ne peux pas venir faire le show, mais ne pas t’impliquer derrière. Ça ne sert à rien, c’est pas ça le hip hop. » Un témoignage à l’essence même de ce mouvement.

Ambre Couvin

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