« On a décidé de s’adresser au monde du rap pour deux raisons. C’est une musique très populaire, écoutée par énormément de jeunes. Le rap est aussi issu de la rue, qui est notre terrain d’intervention à la fondation l’Abbé Pierre. Il y a eu une sorte de fil logique entre les cultures urbaines et le travail de la fondation », revendique Yves Colin, le directeur de la communication de la fondation.
Les 15 et 16 décembre, la fondation l’Abbé Pierre a pris ses quartiers au Bataclan pour la première édition de la Nuit de la rue. Ce festival fait suite aux concerts « Abbé Road » organisés chaque 17 octobre, journée mondiale du refus de la misère, entre 2014 et 2019.
Rap et mal-logement, même combat
Depuis 2014, dans les concerts « Abbé Road », qui se déroulaient à la Cigale puis à l’Olympia, un certain nombre de rappeurs ont répondu présents. Parmi eux, Ninho, Nekfeu ou encore Rim’K ont performé par le passé. « On n’a jamais eu besoin d’expliquer à un rappeur ou une rappeuse, pourquoi nous organisions ces évènements avec eux, ni ce qu’était le mal-logement. Les artistes avec lesquels nous avons travaillé savent ce que c’est et ont subi la ségrégation territoriale », explique Yves Colin.
Un évènement inédit laissant la part belle aux rappeuses
Pour cette première édition, la fondation a investi le Bataclan pour deux soirs avec une programmation plus qu’à la hauteur. Le premier soir, le public a eu la chance de voir, tour à tour, Hatik, Soso Maness ou encore l’étoile montante du R&B, Ronisia. Le lendemain, c’était au tour de Black M, Arsenik et Fianso d’électriser le public venu en nombre. Ce dernier est d’ailleurs le parrain de la cause depuis 2019, un rôle pour lequel il s’investit admirablement.
« Quand on s’est rencontré, il s’est tout de suite retrouvé dans le combat de la fondation. Ça lui tenait très à cœur de s’investir pour nous. Il a fait preuve d’une immense générosité en tant que parrain. Il prend très régulièrement la parole sur des plateaux pour promouvoir l’association. Il est très précieux à nos yeux et nous sommes ravis de l’avoir comme parrain », se réjouit Christophe Robert, le délégué général de la fondation.
La parité était volontairement de mise dans la programmation des artistes comme l’explique Yves Colin : « Il était important pour nous d’avoir des rappeuses, il y a pleins de femmes brillantes dans la culture urbaine et on souhaitait les inviter sur ce festival. ». Ce qui n’a pas déplu au public, bien au contraire. Puisqu’aussi bien Ronisia, Vicky R, Doria ou encore Le Juiice ont su ambiancer le public en jouant leurs titres phares, que certains spectateurs connaissaient sur le bout des lèvres.
La question latente du mal-logement minorée par les pouvoirs publics
Cette première édition est indubitablement un succès au regard de l’affluence ainsi que des prestigieux artistes qui y ont participé. Cette édition en appellera très certainement d’autres comme le confie Christophe Robert. « L’idée est de poursuivre ce lien entre la fondation et les cultures urbaines. Voir tous ces jeunes mobilisés pour l’Abbé Pierre était génial ! Idéalement, nous aimerions faire “Une nuit de la rue” avec encore plus d’artistes et sur un plus grand format. Il y a une certaine envie du côté de la fondation, mais aussi dans le monde du rap, à faire plus d’actions », avance le délégué général de la fondation.
Bien qu’il faille se réjouir du succès du festival, il est à rappeler qu’il s’inscrit dans un contexte délétère. Puisque, dans son rapport publié en février dernier, la fondation faisait état de 4,1 millions de personnes en situation de mal-logement en France, dont 330 000 sans domiciles fixes. Pire encore, la fondation alertait les pouvoirs publics sur les enfants laissés à la rue en décembre 2022. Ce sont 1 175 enfants, dont 335 de moins de trois ans, qui sont se vu refuser une assistance du 115 alors même que le plan Grand Froid était déclenché.
Il faut désormais espérer, que les pouvoirs publics prêtent une oreille attentive à cette énième revendication des artistes et de la fondation, afin d’honorer le souhait de l’Abbé Pierre.
Félix Mubenga
Photos Chloé Galland