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La marche contre les violences faites aux femmes entame sa route au rythme sourd des tambours, ce samedi 23 novembre. « Faites travailler les actionnaires, pas les mères célibataires », « Mères isolées vénères, Macron rend l’argent des guerres ». Sur les pancartes, les messages du Mouvement des mères isolées sont engagés.

« La lutte des mères isolées est anticapitaliste et s’inspire des théories afro-féministes intersectionnelles. C’est le point de croisement de toutes les luttes féministes », développe Mélissa*, membre du Mouvement des mères isolées. Elle a élevé seule son premier enfant alors que le père avait fui. Avec le deuxième père, celui de sa petite fille de cinq ans, elle subit actuellement « les bagarres de pensions alimentaires ». Il y a deux ans, elle se décide à rejoindre le militantisme.

Avant, la jeune femme était réticente « au féminisme bourgeois et blanc », pensant qu’il était le seul à exister. Puis, elle s’est laissée convaincre par Bérénice et les autres co-présidentes, qui ont décidé de s’emparer de la situation des mères isolées et de la politiser notamment sur une ligne antiraciste. Pour elles, le système capitaliste et patriarcal est « coupable de faire de nous les familles les plus pauvres de France ».

À carrefour des inégalités

Samedi 23 novembre, Bérénice, Mélissa et Marie-Clotilde arrivent au 92 boulevard de Magenta. Dans un sachet en carton, quelques affiches faites maison attendent des mains pour être brandies. Elles ne savent pas combien de mères seront présentes. Elles sont une cinquantaine dans l’association, pas toutes franciliennes, avec des enfants qu’il faut faire garder, des emplois du temps ultra-chargés.

Elles seront finalement une dizaine, mais d’autres femmes aux problématiques similaires peuplent évidemment le cortège coloré. « Les mères isolées restent un angle mort or, on concentre toutes les inégalités et discriminations que subissent les femmes en général, exacerbées par nos conditions plus précaires », déplore Marie-Clotilde. Cette dernière a élevé seule ses deux enfants alors qu’elle avait moins de trente ans. Elle parle de triple journées, de triple peine, « celle d’être femme, mère et isolée ». 

Cumul des violences, cumul des luttes

En France, selon des enquêtes de l’Insee, une famille sur quatre est monoparentale. Et 82 % de ces parents isolés sont des mères. Ce sont elles qui obtiennent le plus souvent la garde, et qui, après la séparation, sont les plus affaiblies économiquement. En 2018, 45 % des enfants qui vivaient en famille monoparentale avec leur mère se trouvaient en situation de pauvreté, contre 22 % pour ceux avec leur père. À cet état de fait s’ajoute l’inflation, mais aussi toutes les violences subies : sexuelles, sexistes, psychologiques, etc.

« Les chiffres de l’Unicef de 2024 sont terrifiants : chaque nuit, plus de 2000 enfants dorment dans la rue », s’alarme Mélissa. Entre 30 à 40 % des pensions alimentaires ne sont pas ou partiellement payées et « nombre de mères finissent pas céder sur leurs droits et sur ceux de leurs enfants devant les procédures longues et coûteuses ». Et cela malgré les dangers auxquels elles peuvent faire face. La vocation du Mouvement des mères isolées n’est pas l’accompagnement, mais face à des situations urgentes, notamment liées au logement et aux violences, elles intercèdent pour trouver une solution.

Pour un statut de mère isolée

Cela fait quelques mois que les voix des mères seules de France ont plus d’écho. En octobre, l’Assemblée nationale a voté un amendement visant à défiscaliser la pension alimentaire, pour le parent qui a la garde du ou des enfants. Melissa a un avis tranché sur cette avancée. « Notre situation représente une bombe sociale, c’est une manière de contenir la colère qui est en train de monter et ça aide à ne pas parler du reste », juge-t-elle. Sous-entendu : l’accès au logement, l’instabilité de l’emploi, la difficulté à quitter un foyer. Les militantes se battent pour l’instauration d’un statut social pour les mères isolées, qui pourrait les prioriser dans les différentes sphères où elles sont fragilisées, les protéger elles et leurs enfants. « On aimerait un accès au logement automatique en cas de violence par exemple, des accès à l’emploi facilités… », développe Mélissa.

Durant quatre heures, les différents cortèges ont filé vers le point d’orgue de la journée, la place de la Bastille. Tour à tour, les associations, collectifs, personnalités à l’image de Judith Godrèche se sont exprimées sur les marches de l’Opéra. Le Mouvement des mères isolées a pris le micro à la fin : « Pour nous, pour nos enfants, pour transformer profondément la société, nous appelons les mères isolées à nous rejoindre ». 

Inès Soto 

*Tous les prénoms ont été modifiés.

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