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Mère et fille marchent côte à côte, bras dessus, bras dessous, aux bruits des « pas de justice, pas de paix » scandés sur le boulevard Rochechouart (Paris, 18ᵉ). Fatima a 55 ans, sa fille, Norane, 15 ans. « La police, on la connaît, mon fils a eu affaire à eux, les perquisitions violentes où on a l’impression qu’ils viennent arrêter Pablo Escobar… », soupire Fatima.

Autour d’elles, des poubelles fument, sa fille s’arrête pour les filmer. La lycéenne porte un regard plus sévère sur les violences policières que sa mère. « On en parle beaucoup avec mes amis, il y a beaucoup de personnes de mon âge qui ont déjà eu des problèmes avec la police. » En juin dernier, la mort de Nahel a été la goutte de trop.

15 000 manifestants dans le cortège parisien

La marche du 23 septembre part de là et marque l’urgence de se mobiliser massivement contre les violences policières et le racisme systémique. La CGT et LFI dénombrent 80 000 manifestants sur toute la France, dont 15 000 à Paris. La préfecture de police rapporte, elle, 9 000 participants dans la capitale et 13 800 sur tout le territoire.

Une marche inédite de par le nombre d’organisations qui s’y sont associées, entre 150 et 200 organisations syndicales, politiques et autres collectifs de quartiers populaires. Côté Nupes, la France insoumise et Europe-Écologie-les-Verts en sont, contrairement au Parti socialiste et au Parti communiste. « Je n’ai pas envie de manifester en entendant “tout le monde déteste la police” », s’est justifié le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel.

On a vu ceux qui avaient poney aujourd’hui, mais qui étaient présents pour manifester auprès des policiers factieux

Une absence qui n’est pas passée inaperçue. « On a vu ceux qui avaient poney aujourd’hui, mais qui étaient présents pour manifester auprès des policiers factieux », a lancé Omar Slaouti, de la coordination contre les violences policières. Et de poursuivre : « S’il y a des organisations qui bégaient sur l’islamophobie et l’abaya qu’ils regardent leur pompe ».

En tête de cortège, les familles de victimes de violences policières ouvrent la marche au départ de gare du Nord. « Monsieur le Procureur, on ne tue pas par “exaspération” », affiche la banderole tenue par les proches de Mahamadou Cissé, tué à 21 ans par un ancien voisin à Charleville-Mézières. Aujourd’hui, sa famille dénonce la complaisance médiatique et judiciaire envers le mis en cause.

Les familles de victimes de violences policières en tête de cortège

Plus loin, Assa Traoré et d’autres militantes se tiennent aux côtés de Mounia Merzouk, la mère de Nahel. « Assumer qu’il y a du racisme systémique, c’est sauver des vies… Aujourd’hui, en France, on tue nos frères jusque dans la mort. On nous interdit de dire leur nom, on nous interdit de dire qu’ils ont été tués par la police », dénonce Assa Traoré.

Tout au long de la marche, les familles se succèdent sur le camion de la coordination contre les violences policières. Au carrefour de Barbès, les organisateurs rappellent qu’à quelques mètres de là, Rayana, 21 ans, a été tuée par un tir policier, en juin 2022. Elle était la passagère d’un véhicule dont le conducteur avait refusé d’obtempérer. Cette année-là, treize personnes ont été tuées par la police après un refus d’obtempérer.

Parmi les revendications des organisateurs figurent, à ce titre, « l’abrogation de la loi de 2017 sur l’assouplissement des règles en matière d’usage des armes à feu par les forces de l’ordre ».

C’est la première fois qu’on rassemble autant d’organisations avec des mots forts qui ne faisaient pas consensus auparavant

Parmi les politiques présents, l’ancienne figure du Nouveau parti anticapitaliste, Olivier Besancenot, souligne l’importance de la mobilisation des familles. « C’est la première fois qu’on rassemble autant d’organisations avec des mots forts qui ne faisaient pas consensus auparavant. Et ça a été rendu possible grâce aux familles des victimes et à leur combat. »

La mort de Nahel, les révoltes urbaines et les violences policières qui ont suivi ont aussi fait leur œuvre. « D’abord, il y a eu une mort d’un enfant abattu par un policier, une mort qu’on a banalisée, et puis il y a eu un glissement », observe Suline, 21 ans, originaire de l’Essonne. Suline, qui milite à la France insoumise, et ses camarades, rappellent pêle-mêle : « Le communiqué du syndicat policier qualifiant les jeunes de “nuisibles”, la cagnotte de 1 million d’euros pour le policier qui a tiré sur Nahel. Les violences contre Hedi à Marseille et la grève des policiers inculpés dans cette affaire.  » 

Une marche apaisée malgré une forte présence policière

Des marches ont été organisées dans toute la France. À Lille, Lyon, Perpignan, ou encore à Marseille, où la manifestation a rassemblé 3 000 personnes, selon les organisateurs. Dans la capitale, le dispositif policier a engagé plus de 1 000 policiers.

Alors que le cortège approche de la place de Clichy, le point d’arrivée, un policier, dont la voiture a été attaquée, a braqué la foule avec son arme au niveau du métro Anvers. Une vidéo du média Blast, filmant la scène, a largement été relayée sur les réseaux sociaux. « La manifestation parisienne a connu des violences inacceptables contre les forces de l’ordre. On voit où mène la haine anti-police », s’est empressé de réagir le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, sur X (ex-Twitter).

Une scène qui ne saurait pas résumer l’ambiance de cette manifestation qui s’est montrée, à certains égards, festive. Au fil de la marche, les manifestants ont rencontré la route de supporters irlandais venus en France pour assister à la coupe du monde de Rugby. « No justice, no peace », ont accompagné certains supporters, allant même jusqu’à claquer des mains sur l’hymne, « siamo tutti antifascisti ». Une convergence inattendue.

Héléna Berkaoui et Nadhuir Mohamady

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