Ensemble, faisons résonner la voix des quartiers populaires.

Soutenez le média libre qui raconte des histoires qu'on n'entend pas ailleurs.

Je fais un don

12h30 en ce vendredi 11 avril, veille des vacances scolaires. Les gens commencent à se rassembler devant le lycée Pagnol, à Athis Mons, dans l’Essonne. Depuis une semaine, un appel à la mobilisation a été lancé pour dénoncer l’obligation de quitter le territoire (OQTF) qu’a reçu leur camarade Celestino. Quelques pancartes sont en cours de finalisation par Jade Dasilva une lycéenne de l’établissement et Shanna Mathieu, une jeune athégienne, tout juste sorties des études. Toutes deux sont à l’initiative de la mobilisation.

Après quelques minutes, c’est finalement plusieurs centaines de personnes, habitants, syndicalistes, associatifs et élus qui abondent devant l’établissement niché au fin fond d’une rue perdue d’Athis. Tandis que les élèves, les professeurs et membres de l’équipe éducative, sortent devant le lycée et viennent grossir les rangs.

Une enceinte JBL et un mégaphone, c’est parti, les prises de paroles s’enchainent. Les élus de Gauche venus de toute la région, suivis par des professeurs, des membres du personnel éducatif et les camarades de Celestino, témoignent de leur soutien.

Alors que les interventions au micro se succèdent, le jeune homme un peu timide préfère ne pas prendre la parole devant la foule, et se tient devant la banderole à côté des intervenants. C’est donc en fin de mobilisation qu’il accepte de se confier.

Entouré de ses camarades

Arrivé en France fin 2021, Celestino, jeune angolais âgé de 19 ans et scolarisé en France depuis la seconde, est désormais en 1ʳᵉ année de BTS comptabilité gestion, après avoir obtenu son bac.

« En mars, je suis allé à la préfecture pour renouveler mon récépissé. La dame à l’accueil m’a dit que j’allais recevoir un courrier chez moi, mais n’a pas voulu me révéler ce dont il s’agissait », relate le jeune homme. Quelques jours plus tard, il reçoit une notification d’obligation de quitter le territoire dans sa boite aux lettres.

Dans notre classe, on n’est pas seulement des camarades, on est une famille ! on veut nous enlever un frère, pas juste un ami

À ses côtés, Carla et Fanta posent fièrement, se chamaillant pour savoir qui des deux est la meilleure amie du jeune homme, avec qui elles partagent la même classe depuis septembre. « Dans notre classe, on n’est pas seulement des camarades, on est une famille ! on veut nous enlever un frère, pas juste un ami », insiste Clara. « Celestino a toujours été là pour nous, surtout quand on se démobilise en cours et qu’on en a marre », explique la jeune femme. Lorsque que l’équipe enseignante leur a annoncé la nouvelle, ce fut un choc pour tout le monde, «  certains ont pleuré ». 

De son côté, Fanta ne retient pas ses larmes. « Le pire, c’est que Celestino avait tout gardé pour lui pour ne pas nous inquiéter, c’est une enseignante qui nous a appris la nouvelle », confie-t-elle. Moïse, son ami, lui aussi dans la classe, se rappelle. « Pendant plusieurs jours, Celestino nous a caché ce qui lui arrivait. Quand il s’est enfin confié à moi pour son OQTF, j’étais choqué. J’ai tout de suite voulu l’aider et en même temps, j’avais un sentiment d’impuissance, car je pouvais seulement le soutenir moralement. »

Une mobilisation qui fédère

Décrit par ses enseignants comme un élève exemplaire et studieux, Celestino  a le soutien de l’ensemble des lycéens, mais aussi du corps enseignant et des personnels éducatifs qui se succèdent au micro. Les syndicats indiquent avoir saisi la DASEN, l’administration chargée mettre en œuvre la politique éducative dans les départements.

Sarah Bennani, co-fondatrice de la Jeunesse populaire et elle aussi originaire du 91, n’a pas hésité à faire le déplacement pour apporter son soutien. « Celestino, tu aurais pu être notre petit frère, notre pote et c’est important que cette mobilisation soit à l’initiative des personnes du lycée qui ont été touchées par cette histoire », soutient Sarah Bennani.

 La gauche réunie autour de Celestino

Jean-Jacques Grousseau, maire socialiste de la ville, et nombre de ses adjoints sont présents. L’édile profite de son intervention pour dénoncer les délais aberrants en préfecture pour les renouvellements de titre de séjour et assure à Celestino, même si ce dernier habite une commune voisine, de son soutien plein et entier. Mais la mobilisation dépasse largement la dimension locale.

« Par votre présence, vous refusez l’injustice ! », scande Lamine Camara, conseiller départemental PCF, originaire de Grigny. L’élu rappelle que lui non plus n’est pas né en France, mais qu’il y a étudié et est aujourd’hui élu de la République. « Celestino, tu ne devrais pas avoir peur de la République ! », renchérit l’élu.

Fabien Guillaume Bataille, conseiller régional du même groupe, s’engage quant à lui à interpeller Valérie Pécresse, présidente de région, sur « son devoir de protéger un élève de l’arbitraire ».

J’ai toujours eu de bonnes relations avec mes professeurs, mais les voir tous mobilisés autour de moi, ça me rend encore plus fort

Enfin, la députée LFI Claire Lejeune assure le jeune homme du soutien de l’ensemble des élus de la République présents aujourd’hui. Elle dénonce, au travers de l’OQTF reçue par Celestino, « les conséquences d’un Retailleau au ministère de l’Intérieur et son incidence sur les décisions préfectorales ».

L’ensemble des élus indiquent avoir interpellé la Préfecture. Le Réseau éducation sans frontières (RESF) a quant à lui initié une pétition qui a recueilli plus de 1 600 signatures. De son côté, face à une mobilisation massive, Celestino ne cache pas son émotion, et avoue être surpris de voir autant de monde. « J’ai toujours eu de bonnes relations avec mes professeurs, mais les voir tous mobilisés autour de moi, ça me rend encore plus fort », avoue le fan de Kizomba qui ambitionne une carrière dans le secteur bancaire.

Céline Beaury

Articles liés