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En 2005, Nicolas Sarkozy alors ministre de l’Intérieur, se déclarait favorable au vote des étrangers aux élections municipales. Mardi dernier, désormais dans son fauteuil de Président de la République, il a affirmé  « que le droit de voter et le droit d’être élu dans notre territoire, doit demeurer un droit attaché à la nationalité française. » Cette prise de position suscite des réactions diverses de la part des personnes concernées que j’ai rencontrées à Villeneuve-Saint-Georges. La ville la plus pauvre du Val-de-Marne, celle aussi on l’on trouve le plus de nationalités différentes.

Dans la rue de Paris, connue pour ses commerces et points de restauration rapide, j’ai discuté avec deux Congolais, Joseph, 27 ans, et Pablo, 20 ans. Posés devant une épicerie exotique, ils n’étaient pas au courant du changement de position de Nicolas Sarkozy. Ils donnent aussitôt leur avis : « quelle hypocrisie ! Pour nous demander de vider leurs poubelles ou de faire la plonge dans leurs restaurants, ça ils veulent ! Mais quand on est là depuis des années, qu’on fait tourner le pays et qu’on veut au final participer à la politique de ce pays, ils nous refusent ! C’est injuste, car moi je compte vivre ici. J’aimerais donc avoir un mot à dire au niveau de la politique. Par exemple j’aimerais bien soutenir François Hollande, mais je ne peux pas ! Je le verrai bien président » gesticule Joseph.

Du magasin d’à côté sort Cynthia, 28 ans, elle aussi Congolaise. « Je suis venue pour mes études, c’était il y a 5 ans maintenant. Ici j’ai découvert qu’il y avait plein d’étrangers qui tenaient des boutiques et qui pesaient dans le commerce de proximité. Je trouve que ces gens qui sont en France depuis des années méritent au moins de participer aux municipales. Ils paient leurs impôts ici, épargnent de l’argent ici. Ils font même plus que certains Français en matière d’investissement dans ce pays ! Il serait quand même juste de leur accorder le droit de choisir leur Maire. Pour la présidentielle, c’est autre chose », dit la jeune femme.

Salim, un restaurateur algérien que j’ai abordé devant une pizzeria va même plus loin : « si t’es ici depuis plus de 10 ans, que t’as jamais posé de soucis, que t’as toujours été en règle au niveau de tes papiers, tu mérites la nationalité française. Je dis pas qu’il faut la donner à tout le monde. Mais quand tu te sens bien ici et que tu ne fais chier personne, je ne vois pas pourquoi tu n’aurais pas les mêmes droit que les autres,  les Français. » Il tient aussi à m’expliquer sa propre histoire, « moi, tu vois, je suis ici depuis 17 ans et j’ai jamais eu de souci avec la justice alors que j’ai une tête d’Arabe ! ironise t-il,  j’ai travaillé dans le bâtiment, dans le commerce et à présent je tiens une pizzeria avec un autre Algérien. Mais lui est français. C’est moi qui l’ai embauché. Il n’a jamais rien foutu de sa vie. Sauf que lui peut avoir des avantages que moi je n’aurais jamais, car je suis un étranger. Il peut voter alors que moi qui suis là depuis longtemps, non ! Je paie comme lui, mais en retour,  je n’ai pas la même chose. Et c’est là l’injustice. »

Devant la mairie je trouve Sadio, un Malien, en France depuis 3 ans. « Je m’en fous de voter ou pas, tout ce que je veux c’est du travail. Ça sert à quoi de voter si t’as pas de travail ? » L’homme est totalement désintéressé de la politique, pour lui « ça ne sert à rien de voter si on n’est pas Français. »

Au bar Le Baromètre, juste devant la gare RER, je rencontre Tidiane, un Sénégalais de 48 ans. Il est posé avec ses amis et affirme être contre le droit de vote des étrangers. « Moi je suis venu ici pour travailler et faire vivre ma famille restée au pays, pas pour voter ! Et je ne changerais pour rien au monde mes papiers sénégalais contre des papiers français. Je suis fier d’être Sénégalais et content d’avoir travaillé en France », me dit-il en finissant sa petite tasse. Il continue ensuite en m’expliquant la différence de mentalité entre les migrants de sa génération et les migrants d’aujourd’hui. « Dans deux ans, je vais avoir 50 ans. Je vais rentrer définitivement dans mon pays. Bien sûr, j’ai fait beaucoup de voyages entre les deux pays. Je me suis marié, j’ai eu des enfants… Avec l’expérience, les contacts et l’argent que j’ai pû gagner ici, je compte ouvrir des petits commerces dans ma région. Des épiceries, des magasins d’habits, même un restaurant. C’était mon but quand je suis arrivé ici dans les années 1980. Venir ici pour travailler et repartir au bon moment au pays. Je n’ai jamais cherché à obtenir les papiers français. Aujourd’hui les gens veulent venir ici pour vivre et non plus pour travailler. Nous, à l’époque on ne demandait que du travail et de l’argent, aujourd’hui les jeunes ne pensent qu’aux papiers ! »

Le droit de vote des étrangers n’est décidément pas une priorité pour certains. En période d’incertitude économique et de contexte de crise, le travail reste la préoccupation principale des étrangers. Tout comme celle des Français.

Prosith Kong

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