Parmi la foule, toute la gauche était là : le PS, le PG, EELV (les Verts) ou le PCF (les cocos). Il y avait aussi le Modem. Beaucoup d’associations antiracistes aussi, comme SOS Racisme, le MRAP ou la Ligue des Droits de l’Homme. Les associations d’étudiants étaient également de la partie, l’UNEF ou bien l’UEJF (Union des étudiants juifs de France) ont répondu présent. Le reste ? Des citoyens attachés à la liberté de la presse venus soutenir l’hebdomadaire Charlie Hebdo après sa triste aventure.
D’ailleurs, son directeur de publication Stéphane Charbonnier dit Charb, a voulu mettre les choses au clair par rapport à son numéro spécial « Charia Hebdo ». « Hier soir, j’ai croisé Tariq Ramadan qui a qualifié notre humour (lié au numéro spécial) de lâche. En 19 ans d’existence, nous avons eu 14 procès avec l’extrême droite catholique. Et un seul avec plusieurs associations musulmanes. Il faudrait comprendre aujourd’hui que les musulmans sont à égalité avec les catholiques. L’islam est la deuxième religion de France, ils doivent avoir une égalité de traitement. L’islam est une religion d’adultes et il n’y a pas de raisons de les traiter comme des mômes qu’il ne faudrait pas vexer. Les musulmans sont des adultes responsables, des citoyens responsables. Et il n’y a pas besoin de prendre des gants plus qu’avec les catholiques, plus qu’avec les juifs ».
Charb tenait aussi à nuancer : «On traitera les musulmans, les catholiques et les juifs de la même manière : avec de l’actualité. Nous sommes un journal d’actualité, d’information, mais surtout, avant tout, d’humour. Qu’on ne fasse pas rire tout le monde, je le comprends parfaitement. Simplement, les kiosques sont libres d’accès comme le sont les églises, les mosquées ou les synagogues ».
Plusieurs autres intervenants médiatiques comme Dominique Soppo, président de SOS racisme, Nicolas Demorand, rédacteur en chef de Libération, Sihem Hachbi, présidente de Ni Putes ni Soumises, ou encore Caroline Fourest, journaliste, ont bien sûr évoqué, de leur côté, la lutte contre les intégrismes religieux de tous bords, même si le mot chrétien est sorti plus facilement de la bouche de certains intervenants.
Un militant de SOS Racisme, présent dans la foule, raconte: « Oui ! Je suis pour la liberté d’expression, ça il n’y a pas de doute. Mais je suis aussi chrétien et bien que je ne sois pas vraiment pratiquant, le fait de lancer de la merde sur le visage du Christ me choque (ndlr : allusion à l’autre polémique, la pièce de théâtre « Sur le concept du visage du fils de Dieu »). Je suis respectueux et cela m’a profondément heurté. Bien sûr que je ne descendrai pas dans la rue en cassant tout, mais il faudrait aussi se demander où la liberté s’arrête-t-elle ?».
Nadia Et Lotfi, musulmans, ont été amusés à la lecture du « Charia Hebdo ». Pour Lotfi : « Les musulmans en général réagissent à chaud par rapport à leur religion. Mais des musulmans comme moi qui ont du recul, il en existe un paquet aussi ! Charlie Hebdo, c’est connu, ils se moquent de tout le monde. Donc je ne vois pas pourquoi on ne passerait pas à la marmite nous aussi ». Sa copine Nadia : « C’est de l’humour ! Moi personnellement il y a des dessins qui m’on fait rire et d’autre pas, mais ce n’est pas pour autant que je vais sauter de fureur ». Au passage, j’en profite pour leur parler du « blasphème » et de la pièce de théâtre « sur le concept du visage du fils de Dieu ». « Là par contre c’est plus de l’humour, c’est de l’offense ! Moi je suis musulman et pourtant je suis un peu dégoûté par cette pièce. Tu peux rire de la religion, tu peux même te moquer de la religion. Mais il y a ensuite une limite à ne pas franchir : l’insulte », me dit Lotfi.
Prosith Kong