La pluie n’a pas arrêté les centaines de personnes venues défiler ce mardi 14 mai au départ de la rue Rivoli (Paris). Les drapeaux des syndicats enseignants, aux couleurs blanche et rouge, ne cesseront de s’agiter jusqu’à l’obtention d’un réel plan d’urgence pour le département du 93 et la révocation de la réforme des “chocs des savoirs”.
Depuis le mois de février, l’ensemble du corps éducatif dénonce leurs conditions d’enseignement et le manque de moyens criant en Seine-Saint-Denis. « Dans mon établissement, on n’a plus d’infirmières et d’assistantes sociales depuis 2 ans alors qu’on est en REP. On a 4 salles de cours condamnés, parce qu’elles ont été inondées et qu’elles sont complètement moisies », liste un professeur de français au collège Travail Langevin à Bagnolet.
Ces revendications, elles sont clamées au moins février dernier. « Nous, nous sommes mobilisés depuis la rentrée », précise l’enseignant. « On s’est vite rendu compte que plein d’établissements du département partagent la même situation. Les syndicats ont mené tout ce travail de recensement, qui a mené à cette lutte débutée en février. »
Un plan d’urgence de rattrapage
« Nous, dans le 93, on demande un plan d’urgence de rattrapage parce qu’on considère qu’on est moins doté depuis des dizaines d’années », explique Marco, professeur à Aubervilliers. « Ce rattrapage, on l’a chiffré, on a interrogé nos collègues et demandé par exemple plusieurs milliers d’AESH en plus, qui accompagnent les élèves en situation de handicap, pareil pour les profs, pareil pour les agents, agentes. »
Le métier d’AESH est aujourd’hui très précaire, notamment à cause du temps partiel imposé pour ce métier. Pourtant, il est indispensable dans l’enseignement. « Moi, je m’occupe de deux élèves en situation de handicap dans la même classe, en même temps, c’est un sacrifice des élèves parce qu’on ne peut pas faire le travail correctement », précise Chaker Brahmi AESH à Saint-Ouen sur Seine. Aujourd’hui, rien n’est prévu pour améliorer leurs conditions de travail. Pour lui, « ignorer les AESH, c’est ignorer les enfants en situation de handicap, ignorer la galère des parents et des enseignants. »
Tout le corps éducatif sur place s’indigne de la différence de moyens entre Paris et la Seine-Saint-Denis. « Je suis là pour dire “il faut qu’il y ait une équité”, équité entre les départements, entre Paris et la Seine-Saint-Denis, pour qu’il y ait les mêmes moyens et les mêmes chances », conclut Chaker.
La dernière fois, face à ces milliers de demandes de postes, on nous a seulement promis quelques dizaines de surveillants
Le 15 avril dernier, une rencontre a été organisée entre l’intersyndical enseignant du 93 et le ministère afin d’instaurer un dialogue social. Mais cette réunion n’a pas donné la réponse attendue aux multiples revendications du mouvement. « La dernière fois, face à ces milliers de demandes de postes, on nous a seulement promis quelques dizaines de surveillants », s’agace Marco. Le ministère a alors promis une seconde rencontre dont ils ne connaissent pas encore la date. « Le gouvernement joue la montre, ils attendent la fin d’année, ils se disent il y a les vacances, les JO, que tout ça va passer à la trappe. Mais nous, on ne lâchera pas l’affaire, c’est pour nos élèves et les familles qui nous soutiennent. »
Contre la réforme du “choc des savoirs”
En plus du plan d’urgence demandé depuis des mois, cette mobilisation se dresse contre la réforme du “choc des savoirs” qui prévoit entre autres l’instauration de groupes de niveau au collège. « Ce qu’ils veulent, c’est vraiment faire un tri avec les forts d’un côté et les faibles de l’autre », déplore une enseignante au collège George Braque à Neuilly-sur-Marne. « Toutes les études montrent que l’hétérogénéité est ce qui permet le plus aux élèves d’avancer », pointe par ailleurs l’enseignante.
Cette réforme, qui ne prévoit pas une augmentation des moyens, est rejetée de toutes parts. « Moi, ça fait 30 ans que j’enseigne, dont 25 en Seine-Saint-Denis, et je crois que c’est une des pires attaques qu’il n’y a jamais eues contre l’école publique », s’émeut un autre professeur. Une autre mobilisation contre la réforme du “choc des savoirs” est prévue le 25 mai prochain.
Lisa Sourice