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Passer Noël en famille : une évidence pour beaucoup, une mission presque impossible pour d’autres. En effet, le prix d’un billet d’avion pour rentrer dans les départements d’outre-mer peut coûter de plusieurs centaines à plus d’un millier et demi d’euros, en fonction des périodes. Des prix qui ont augmenté de 56 % ces quatre dernières années. Pour bon nombre de jeunes ultramarins de métropole, c’est une charge étouffante, et son traitement est lacunaire.

« C’est insupportable de voir que des millions sont donnés par l’État aux compagnies aériennes, sans aucune répercussion sur le prix des billets pour les consommateurs », s’indigne Christian Baptiste, député de la deuxième circonscription de Guadeloupe. « Il nous faut des dispositifs, pas seulement pour les étudiants, mais pour l’ensemble des ressortissants, au moins pour ceux d’entre eux les plus modestes », plaide l’élu.

Une situation vécue comme une injustice

Homerick, en deuxième année de Licence info-com, vient de la commune d’Anse-Bertrand en Guadeloupe. Cette année, faute de moyen, il ne pourra pas passer Noël en famille. Une situation qui l’affecte, lui, mais aussi ses proches. « Ma mère surtout, elle ne le dira jamais directement, mais je sais à quel point ça lui fait de la peine », expose-t-il. « C’est le fait de revoir la famille, l’ambiance, les lumières, les chantés nwel qui manquent terriblement. »

Homerick n’est pas un cas isolé, cette situation est vécue comme une injustice par beaucoup d’étudiants ultramarins. « Mes camarades de classe peuvent prendre un train et être avec leur famille, dans le Jura, dans le sud, ou ailleurs… Je suis citoyen français aussi, pourquoi je ne peux pas voir ma famille ? »

En moyenne, l’aide à la continuité territoriale s’élève à 257 euros par personne sont alloués aux citoyens corses, pour 16 euros par personnes pour les citoyens des DOM

Frédéric Maillot, député de la 6ᵉ circonscription de la Réunion, le rappelle, « il y a une profonde injustice sur le plan de la continuité territoriale. En moyenne, l’aide à la continuité territoriale s’élève à 257 euros par personne et par an pour les citoyens corses, contre 16 euros pour les citoyens des DOM ».

Lors du vote de la loi de finances pour 2023, les députés sont montés au créneau pour voter des crédits supplémentaires en faveur des Outre-mer, contre l’avis du gouvernement. Mais ce dernier a eu gain de cause en passant par l’article 49.3. « C’est devenu une coutume pour le gouvernement macroniste. Ce n’est pas parce que ça s’appelle le 49.3, qu’il faut l’utiliser 49 fois », peste Frédéric Maillot.

Une situation déjà suffocante

En effet, le prix du billet a augmenté de plus de 30 % sur l’année dernière, et de 56 % ces quatre dernières années, d’après Martinique la 1ère. Alors même que la population des DOM a des revenus généralement plus bas. Le taux de pauvreté reste deux fois et demie à quatre fois plus élevés qu’en métropole.

Héloïse, étudiante réunionnaise, ne pourra pas rentrer non plus, à cause des prix « exorbitants » des billets. De manière générale, la précarité des étudiants ultramarins est dénoncée depuis des années.

Des aides existantes mais limitées

LADOM (L’agence de l’Outre-Mer pour la Mobilité) a annoncé qu’elle fournirait une aide aux étudiants ultramarins pour le retour. Cependant, cette aide reste très limitée, dans la mesure où il s’agit d’un remboursement (il faut donc avancer les frais, ce qui exclut une part des potentiels bénéficiaires). D’autre part, cette aide ne sera accessible qu’aux néo-bacheliers, excluant ainsi la grande majorité des jeunes ultramarins.

S’il salue l’existence de ce dispositif, Frédéric Maillot déplore ce point. « Comme on part en saison haute, on a des billets d’avions qui peuvent avoisiner les 1 500 euros en classe éco, quand on est étudiant, et si les parents n’ont pas les moyens d’aider, c’est tout simplement impossible. »

Ils compliquent tellement les procédures que cela nous dissuade de monter ces dossiers

Héloïse, étudiante réunionnaise, ne pourra pas non plus rentrer pour Noël, à cause du prix exorbitant des billets. « Nous savons (mon copain réunionnais aussi) qu’il existe des systèmes comme le LADOM, mais je trouve que nous ne sommes pas suffisamment guidés pour les mettre en place », regrette-t-elle. « Ils compliquent tellement les procédures que cela nous dissuade de monter ces dossiers conséquents, pour qu’on nous dise parfois qu’on n’est même pas concernés par le dispositif. »

Contactée par le Bondy Blog, LADOM explique ce choix de réserver cette aide pour les néo-bacheliers. « Ces jeunes gens (âgés pour la majorité de 18-19 ans) qui poursuivent leurs études supérieures dans le cadre d’une mobilité, quittent leurs parents, leur ancrage familial pour la première fois. Cette transition est donc souvent plus difficile pour eux. »

Les modalités du programme seront modifiées l’année prochaine. Elles permettront de ne plus avoir à avancer les frais. LADOM précise que « la seule manière de pouvoir la proposer dès 2023 était de le faire sous forme de remboursement ». Mais il ne semble pas être à l’ordre du jour de l’élargir au-delà du public des néo-bacheliers.

Les jeunes actifs également dans la tourmente

Pourtant, la situation reste toute aussi compliquée pour les autres étudiants, mais aussi pour les jeunes actifs. Si ce public est souvent le grand oublié des programmes d’aides, il rencontre également des difficultés importantes à financer ces allers-retours.

Charlène, jeune active Martiniquaise, nous fait part de sa situation. Elle pourra rentrer cette année, mais avec difficultés et en ponctionnant son livret A. Les aides étant principalement axées sur les étudiants, il faut s’arranger avec un budget réduit et les contraintes du travail.

Je ne peux clairement pas prendre plus de mille euros d’un coup sur mon salaire

« Je ne peux clairement pas prendre plus de mille euros d’un coup sur mon salaire », confie-t-elle. « Il y a plus que le prix des billets, il y a aussi les cadeaux, qui représentent déjà un budget conséquent pour n’importe qui. Et surtout pour ceux que les parents, pour une raison ou une autre, ne peuvent pas loger, cela peut représenter un coût supplémentaire de taille… »

Des pistes de réflexions sur la table

Le député Guadeloupéen, Christian Baptiste, propose une solution. « Dans une situation idéale, il faudrait que nos territoires aient leurs propres compagnies aériennes, comme c’est le cas en Polynésie par exemple. Cela nous permettrait de tarifer au plus près des besoins de nos compatriotes. »

De leur côté, Homerick et Charlène estiment qu’il est nécessaire que le gouvernement se saisisse réellement du problème. Ces derniers appellent à un élargissement des aides ou une intervention auprès des compagnies aériennes. « Le gouvernement a le pouvoir de dire stop aux compagnies, il faut réguler les prix pour les citoyens domiens », plaide Charlène. Et Homerick de renchérir : « Il faut consulter et écouter les étudiants, ils connaissent leur situation et ils ont plein de bonnes idées. »

Ambre Couvin

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