Un rassemblement était organisé mercredi 14 décembre en fin de journée au Centre International de Culture Populaire (CICP) en soutien à Youssouf et Bagui Traoré, deux frères d’Adama Traoré, jugés en même temps pour violences, menaces de mort et outrages contre huit policiers municipaux et gendarmes. Reportage.
« Vérité et Justice pour Adama », « Libérez Youssouf et Bagui » : voilà quelques uns des slogans que l’on pouvait lire sur les banderoles accrochées aux murs du Centre International de Culture Populaire (CICP), où une centaine de personnes étaient rassemblées ce mercredi 14 décembre en fin de journée en soutien à deux frères d’Adama Traoré, Youssouf et Bagui. Âgés de 22 et 25 ans, ils comparaissaient depuis le début de l’après-midi au Tribunal de Grande Instance de Pontoise (Val d’Oise) pour avoir insulté et menacé huit policiers et gendarmes à la suite d’un rassemblement devant la mairie de Beaumont-sur-Oise qui avait dégénéré.
Dire « sa solidarité à l’égard de toute la famille Traoré«
Dans la salle entièrement remplie, des personnes de tous âges et de toutes origines étaient réunies. Leur point commun ? Elles ont toutes suivi avec tristesse les épreuves traversées par les Traoré. Par leur présence, chacun souhaitait à la fois rendre hommage à Adama et soutenir avec force ses deux frères.
La voix brisée par l’émotion, Léa, une étudiante de 25 ans venue avec un ami, explique avoir voulu exprimer « sa solidarité à l’égard de toute la famille Traoré » qui a subi « beaucoup trop d’épreuves ». Elle se dit « attristée, bouleversée même » par leur situation.
De son côté, Mohamed, restaurateur et père de famille, s’est déplacé « malgré le froid et la fatigue » pour exprimer toute son admiration et son souten à Youssouf et Bagui. En colère, il dénonce « les persécutions subies par la famille Traoré. Ils viennent de perdre l’un des leurs de la pire des façons, mais au lieu de les laisser se recueillir et pleurer leur mort, la justice continue de les poursuivre ».
Un film pour reconstituer les événements
Si chacun avait bien en mémoire l’histoire de la famille Traoré, un film a tout de même été diffusé pour reconstituer les événements, de la mort d’Adama le 19 juillet 2016 au procès de ses frères ce 14 décembre. La vidéo montrait les proches du défunt revenir tour à tour sur ces six derniers mois pour évoquer aussi bien leur chagrin que leur sentiment de révolte. Le témoignage d’Oumou, la mère des trois jeunes hommes a particulièrement bouleversé l’assemblée. « Le soutien que je reçois me donne la force de continuer à me battre pour la vérité », a-t-elle déclaré avec courage. A la fin de la vidéo, trois slogans apparaissaient en lettres blanches sur l’écran noir : « Justice pour Adama », « Libérez Youssouf et Bagui » et « Pas de justice, pas de paix ».
« Notre démarche est pacifique »
Pendant la projection du film, l’arrivée d’une dizaine de véhicules de police devant la salle a été perçue comme une provocation par l’assistance. « Notre démarche est pacifique. Je ne comprends pas pourquoi ils viennent nous surveiller. Quelque part, on ne se sent plus complètement libre de s’exprimer », a déclaré Mohamed, une certaine lassitude dans la voix.
Après la diffusion du film, des nouvelles du procès ont été communiquées en direct depuis le Tribunal de Pontoise. Assa Traoré, la sœur des trois jeunes hommes et porte-parole de la famille, s’est exprimée via Facebook. Les traits tirés par la fatigue, elle a expliqué que le procès risquait de durer « encore au moins une heure ». Elle a ajouté que, selon elle, les arguments des policiers ne tenaient pas la route.
Finalement, les personnes présentes seront parties avant le rendu de la décision du tribunal qui tombera à 00h40. Youssouf Traoré est condamné à 3 mois de prison ferme, peine aménageable et libre dès ce soir. Bangui, lui, écope d’une peine plus importante : 8 mois de prison ferme et deux ans d’interdiction de séjour à Beaumont-sur-Oise, là où il vit pourtant avec sa famille. Les deux frères devront par ailleurs verser 7500 euros de dommages et intérêt aux policiers et gendarmes.
Au Centre International de Culture Populaire en tout cas, aucune plaidoirie n’était nécessaire : l’audience était unanimement acquise à la cause des Traoré. Le jugement très sévère de mercredi soir les renforcera sûrement dans leur conviction.
Maëva LAHMI