« Climat propice à l’homophobie », « préoccupation constante de l’apparence du corps féminin »… Le rapport de l’Inspection générale de l’Éducation nationale révélé par la presse étrille sévèrement le lycée privé Stanislas (Paris 6ᵉ).
Sous les feux des projecteurs au gré du passage express d’Amélie Oudéa-Castera au ministère de l’Éducation nationale, les dérives de ce lycée interrogent le bien fondé de ses financements par l’argent public. Une interrogation qui s’étend plus largement, comme l’illustre la proposition de loi du sénateur PCF, Pierre Ouzoulias, visant à conditionner l’aide publique aux établissements privés à des critères sociaux.
Au niveau de la région – qui compte les lycées dans son portefeuille de responsabilités – la situation de Stanislas fait débat. Malgré les multiples révélations sur l’établissement, Valérie Pécresse a choisi de maintenir, fin janvier, le vote d’une subvention de plus de 900 000 euros à Stanislas, au motif d’y être légalement obligée. Le lycée Stanislas est l’établissement privé recevant le plus de subventions régionales (près d’un million d’euros en 2022).
La région a ainsi été accusée de privilégier le forfait d’externat (fonds obligatoirement versés par la région aux lycées privés pour leur fonctionnement) au détriment du public.
L’essor des financements du privé
En réalité, le budget permettant de faire fonctionner les 474 lycées publics d’Île-de-France tourne autour de 407 millions d’euros. Un budget donc bien supérieur à celui du forfait d’externat pour les lycées privés, qui s’établit à 69 millions d’euros, selon James Chéron (UDI), vice-président de la région Ile-de-France, chargé des lycées.
Cependant, le financement des établissements privés a augmenté ces dernières années. Les subventions facultatives (aussi appelées « extra-légales ») sont des subventions que la région peut donner aux lycées privés, en plus du forfait d’externat qui leur permet de fonctionner.
« En Ile-de-France, les subventions facultatives au privé ont bondi de 450 % entre 2016 et aujourd’hui, pour atteindre 10 millions d’euros programmés en 2024 », indique Paul Vannier à Mediapart. Conseiller régional et député LFI, il est le corapporteur d’une mission parlementaire sur le financement de l’école privée.
Ce sont ces mêmes subventions (487 000 euros) qui ont été versées au lycée Stanislas afin de remettre en état deux ascenseurs, une centrale d’air, ainsi qu’une salle d’étude en juillet 2023.
Pour Paul Vannier, cette hausse des subventions témoigne de « choix politiques » manifestes au détriment du public.
Lycées publics : 20 euros en moins par élève
Mais qu’en est-il des lycées publics ? Souffrent-ils de la mandature de la droite incarnée par Valérie Pécresse ?
« Depuis le premier mandat de Valérie Pécresse en 2015, le budget par élève a baissé d’au moins 20 euros », pointe Céline Malaisé, présidente du groupe Gauche communiste, écologique et citoyenne à la région.
Elle dénonce ainsi une « formule mathématique opaque » qui a conduit à la suppression de la dotation de solidarité versée aux établissements défavorisés ainsi que la dotation EPS destinée aux établissements éloignés des gymnases.
Pourtant, la dotation globale de fonctionnement des lycées (DGFL) – qui sert à financer les dépenses de fonctionnement comme les équipements et les activités pédagogiques – a bel et bien augmenté de 2,9 % pour 2024, s’élevant à 86 millions d’euros contre 80,9 millions en 2022.
Une hausse qualifiée de « massive » par la région, mais que Céline Malaisé nuance. « La DGFL a bien augmenté pour 2024, mais reste en deçà de l’inflation et de la baisse du budget par élève de 20 euros. » Contacté sur ce point, comme sur les suivants, le cabinet régional n’a pas souhaité répondre à nos sollicitations.
À cette baisse sur le moyen terme s’ajoute une décision qui avait amputé les lycées publics de 17 millions d’euros en 2023. Il s’agissait plus particulièrement des lycées dont l’épargne (appelée « fonds de roulement ») était supérieure à trois mois de dépenses de fonctionnement. Ce nouveau mode de calcul avait provoqué une telle levée de bouclier de la part des chefs d’établissement et des syndicats qu’il n’a pas été reconduit pour 2024.
Pour rappel, ce sont les régions qui ont la charge des lycées. Acteur important en matière d’éducation, elles financent la quasi-totalité des coûts liés au fonctionnement (équipements, activités pédagogiques) et aux investissements immobiliers (travaux de rénovations).
25 % des investissements annoncés réellement dépensés
Un autre problème se pose, en ce qui concerne cette fois-ci les fonds d’investissements, destinés à rénover les lycées publics.
Avec un âge médian des établissements dépassant les 50 ans, les lycées franciliens sont en effet « plus anciens que la moyenne nationale », selon un rapport de la Chambre régionale des comptes publié en 2021. Dès lors, le conseil régional d’Île-de-France a adopté en 2017 un « plan d’urgence » destiné aux rénovations.
Mais bien que ces fonds aient été annoncés, seulement 25 % ont réellement été dépensés sur la période 2016-2021, selon ce même rapport.
Pour Céline Malaisé, cet argent débloqué n’est pas effectivement dépensé parce que la région manque de personnel dans la gestion du patrimoine lycéen. « Il y a eu sept restructurations du personnel depuis le premier mandat de Valérie Pécresse. Si bien qu’ils n’arrivaient plus ni à traiter les factures, ni les relations avec les entreprises… En fait, ils n’arrivent pas à mettre en œuvre le plan d’urgence. »
Cette difficulté de mise en œuvre semble expliquer la situation déplorable de certains lycées publics. Le lycée Maximilien-Perret, à Alfortville, a récemment été médiatisé pour son état de délabrement. Certains professeurs y ont exercé leur droit de retrait de « peur que les plafonds s’effondrent sur la tête de [leurs] élèves ». L’établissement a été reconnu fin janvier comme présentant un « danger grave et imminent » par la CHSCT académique.
Difficile ainsi, pour beaucoup, de ne pas faire le parallèle suivant : d’un côté, des élèves issus de milieux favorisés, jouissant d’une salle d’étude valorisée par de l’argent public. De l’autre, ceux dont le toit menace de tomber sur leur tête.
Imane Lbakhar