« SAUVEZ MAMAMA » en lettres capitales sur une grande banderole, flotte sur la devanture de l’association. Cette jeune structure solidaire soutient des milliers de femmes vivant en situation de grande précarité. En 2021, ce sont 65 000 femmes qui ont pu compter sur MaMaMa pour trouver de l’aide. Quelque 150 bénévoles se relaient pour faire vivre cette solidarité.
Pourtant, l’association pourrait être amenée à mettre la clé sous la porte car la mairie de Saint-Denis souhaite récupérer le local dans lequel elle est basée. Une audience en référé aura lieu le 13 janvier prochain pour statuer sur ce dossier.
Un bras de fer juridique entre MaMaMa et la ville de Saint Denis
En 2020, l’ancien maire communiste de la ville, Laurent Russier a proposé à l’association MaMaMa d’investir gratuitement un entrepôt de 1500 m². Mais quelques mois plus tard, la mairie a changé de mains. Le socialiste Mathieu Hanotin a pris les rênes de la ville. Rapidement, la mairie a demandé un loyer d’environ 18 000 euros à l’association. Après 8 mois de négociations infructueuses, la nouvelle municipalité a demandé à l’association de quitter les lieux, en septembre 2022.
La raison de ce départ forcé ? La SEM Plaine Commune Développement avait prêté ses locaux à l’association jusqu’à la fin des périodes de confinement avant de reprendre la location classique de ses entrepôts. La ville souhaite y loger de nouveaux acteurs économiques, financer la construction de logements sociaux, d’espaces verts et d’activités économiques qui débuteront à partir de 2024.
La mairie juge « nécessaire » qu’il y ait une reprise d’activité économique
Katy Bontinck est 1ère adjointe au maire de Saint-Denis. Selon elle, les conditions financières, logistiques et la situation temporaire de l’association étaient claires depuis le début. « Après deux ans de gratuité, le versement de ce loyer doit être mis au regard du temps d’occupation de l’association. Quand bien même sa cause est bonne, elle doit le faire avec des moyens logistiques à sa mesure », explique-t-elle. Elle ajoute : « Il est nécessaire qu’il y ait une reprise d’activité économique. »
Pour Christian Berthou, responsable engagement et citoyen au sein de MaMaMa, cette somme est trop élevée pour une association qui ne tire aucun bénéfice de ses actions. Préoccupé, il insiste sur le côté alarmant de la situation : « Si la justice scelle le local, l’association coule ».
Faute de pouvoir assumer les frais de loyer, l’association et la mairie de Saint-Denis sont impliquées dans un bras de fer juridique depuis la rentrée. L’association tente de repousser l’échéance de son expulsion. MaMaMa est soutenue par la Fondation des Femmes qui est à son chevet pour trouver de nouveaux locaux dans les environs de Saint-Denis.
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Le mercredi 3 novembre dernier, le Tribunal de Bobigny a convenu d’un report d’audience. La veille, l’association MaMaMa avait déposé plainte contre le maire Mathieu Hanotin pour « corruption passive », « trafic d’influence » et « non-dénonciation de crime ou délit ». Face à ces accusations, Mathieu Hanotin nie les faits qui lui sont reprochés et a déposé plainte pour « dénonciation calomnieuse ». Une procédure qui acte une rupture totale de confiance entre l’association et la municipalité.
Christian Berthou, cet Avignonnais maintenant retraité, a toujours été investi dans le milieu associatif. « Le nombre de bénéficiaires est progressif et continu », observe-t-il. L’association au triste succès a près de 6000 demandes en attente et le planning de rendez-vous est déjà rempli pour la fin de l’année.
Une association féministe et inclusive qui ne cesse de croitre
Et pour cause, les bénéficiaires de l’association sont nombreuses, comme nous avons pu nous en rendre compte en nous rendant sur les lieux. Parmi elles, Jeanne* et Sarah* sont venues récupérer un colis alimentaire et des produits d’hygiène pour elles et leurs enfants. Toutes deux doivent quotidiennement affronter la barrière de la langue.
Jeanne est d’origine somalienne et habite à Sevran-Beaudottes. Elle vient à l’association depuis que son fils a un mois. Depuis près d’un an, ses rendez-vous réguliers à l’association lui permettent de subvenir aux besoins primaires de son enfant. Pudiquement, elle confie que Mamama lui est d’une grande aide.
43% des bénéficiaires se sentent isolées et ne vivent pas en dehors de leur rôle de mère
Clara Coelho est chargée du projet « duos » qui met en relation une bénévole de l’association et une bénéficiaire afin de l’accompagner sur une année et réaliser des sorties culturelles pour combattre l’isolement de ces femmes. Le programme sur-mesure privilégiant l’échange et la proximité « plutôt qu’une relation verticale » a déjà commencé à faire ses preuves.
« Le réseau associatif n’est pas modelé pour accueillir les nourrissons »
« La précarité est facteur d’isolement mais la parentalité aussi », précise Clara. « Le réseau associatif n’est pas modelé pour accueillir les nourrissons. 75,5% de ces femmes n’ont pas de moyens de garde d’enfants même alternative, elles sont donc constamment avec leur enfant, un frein pour leur mobilité », ajoute-t-elle.
Partenaire du projet « duo », la société DesCodeuses s’est jointe à Mamama pour proposer une formation informatique aux bénéficiaires de l’association pour leur apprendre à coder ou à utiliser le pack office, des compétences devenues presque essentielles sur le marché du travail.
L’association envisage de créer d’autres initiatives d’insertions professionnelles. Mais pour cela, les fondatrices espèrent pouvoir continuer de développer le collectif au sein d’un local qui leur garantira des lendemains plus sereins. En attendant, elles attendent l’audience du 13 janvier avec appréhension.
Inès Boudabbous
*Les prénoms ont été modifiés.