Les yeux dans son verre vide, Mehdi, 19 ans, est assis sur le canapé de son salon. « Franchement, au début Parcoursup, j’aimais bien. Je pensais qu’on allait être beaucoup plus limité en termes de vœux donc ça m’a un peu soulagé. C’est quand j’ai vu mes résultats que j’ai un peu plus déchanté », retrace le jeune homme. Avec plus de la moitié de ses vœux refusés et le reste sur liste d’attente, son chemin vers l’enseignement supérieur s’est trouvé compromis.
Annoncé en octobre 2023 par le ministère de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur, les résultats Parcoursup 2023 font tache pour l’exécutif. Il y a un an, plus de 84 000 candidats restaient sans affectation. Les candidats qui n’ont pas reçu de proposition d’admission ont été dirigés vers les commissions d’accès à l’enseignement supérieur (CAES) pour trouver une formation. Et à la rentrée, 148 bacheliers « très majoritairement des lycéens professionnels » restaient sans affection, selon les chiffres du ministère.
Pour Lorie, habitante de Seine-Saint-Denis, elle aussi de la promotion 2023, le réveil se fit à la douche froide. « Même si je reconnais que mon dossier n’était pas top, j’étais quand même assez sereine au niveau de mes choix. J’étais persuadée que j’allais avoir au moins plusieurs propositions pour me décider », se remémore-t-elle. Avec l’ensemble de ses vœux sur liste d’attente, elle ressasse encore sur une formation qu’elle n’a pas eue à deux places près.
Pour autant, malgré ce refus, d’autres voient dans cette nouvelle une sorte de soulagement. « Je m’étais inscrite dessus un peu par obligation, on n’arrête pas de nous dire qu’on n’a pas le choix, donc on le fait. Après, j’espérais trouver ce qui allait me remotiver pour faire des études post-bac. Finalement, ne pas avoir été prise, ça m’a quand même donné du temps pour réfléchir à ce que je voulais faire », explique Maëlys, 20 ans, habitant en Seine-et-Marne.
Le rôle de la réforme du Bac
À cette réforme Parcoursup, vient s’ajouter une réforme du bac changeant complètement les habituelles filières S, L et ES. Annoncée par le président en 2017, afin de « simplifier son organisation et de restaurer sa crédibilité », l’instauration des spécialités fut pour les étudiants une véritable prise de tête dans le choix de leurs cours en lien avec leurs projets d’études.
En effet, pour Lorie, l’instauration des spécialités a représenté un frein à sa poursuite d’étude. « Je pense que mes spécialités sont ce qui m’a le plus desservie lors de mes demandes. Je voulais aller en STAPS mais vu que mes spécialités n’étaient pas toutes scientifiques, ça a été assez compliqué », raconte Lorie.
« Quand tu n’as pas les bonnes spécialités, tu sais déjà que c’est mort pour ces formations »
Sur un ton plus conciliant, Mehdi confirme leurs importances sans pour autant y voir un côté négatif. « Moi, je comprends que les spécialités, ça influent les choix des écoles. Je venais de la STMG où on faisait du commerce et du management et j’ai postulé pour des BUT (bachelors universitaires de technologie) en lien avec l’informatique, ça n’a rien à voir. En plus, j’ai été vachement accompagné par mes profs, donc je ne pense pas avoir à blâmer qui que ce soit. »
Maëlys accuse, elle, à la fois cette réforme et les universités. « C’est complètement débile d’interdire des formations à des élèves, tout ça parce qu’ils n’ont pas le bon parcours. Qu’est-ce qu’un élève qui a eu comme spécialité littérature anglaise a de moins que celui qui avait pris maths ? Rien », peste l’étudiante.
L’après-rejet, que faire ?
Cette question se pose chaque année pour de nombreux jeunes qui se retrouvent sans formation après le bac. Un sujet de société important qui vient contredire la promesse de l’ancien ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, de fournir à tous les étudiants une place dans l’enseignement supérieur.
Cela étant, pour Mehdi, ces refus ne signifient pas la fin. « Tu comprends rapidement avec tes refus et tes classements si tu as une chance ou pas. Moi, j’ai vu assez vite que ça allait être compliqué donc j’ai commencé à chercher des écoles de mon côté pour ne pas me retrouver sans rien à la rentrée. » Malgré deux offres de formation en alternance, son manque de contrat en entreprise lui fit perdre ses places.
« Jusqu’au dernier jour, j’ai cru qu’une place allait se libérer »
Pour Lorie, après discussion avec ses parents, elle décida de se tourner vers Parcoursup et sa CAES (commission d’accès à l’enseignement supérieur). Une décision qui, un an après, continue de la frustrer. « Jusqu’au dernier jour, j’ai cru qu’une place allait se libérer, mais quand j’ai vu que ça allait pas se faire, j’ai dû me résigner. Ils (Parcoursup) m’ont trouvé une école en juillet, c’était un DU prepareo à l’université de Champs-sur-Marne. Franchement, j’étais dégoûtée parce que c’était la seule chose qui m’avait été proposée, et en plus, ça n’avait rien à voir avec ma formation de base ou de ce que je voulais faire », déplore Lorie.
Une situation qui malgré sa finalité a quand même eu un point positif selon elle. « J’étais assez soulagée de savoir que j’avais une école pour l’année suivante et que je n’allais pas ne rien faire pendant une année. »
De son côté, Maëlys, a quant à elle un avis tranché sur la question. « La semaine des résultats, quand j’ai vu mon classement, je me suis mise à chercher un travail. Déjà que je n’étais pas sûre de vouloir faire d’études après le bac, le fait de voir mes classements a confirmé mon souhait de quitter la plateforme ». Une décision qu’elle accepte, mais sans une certaine amertume. « On ne nous aiguille pas sur ce qu’on devrait faire. »
« Du coup, je regrette de pas avoir fait des choix professionnels et de simplement avoir fait des vœux en lien avec les matières qui me plaisaient », déplore-t-elle.
Leurs situations aujourd’hui
Un an après son passage sur Parcoursup, Mehdi n’a pas pu intégrer d’école. Il explique avoir pris cette année pour réfléchir et préparer la suite. « À la mission locale, ils m’ont vachement aidé, que ce soit administrativement, financièrement et même pour le permis. À certains moments, je n’étais pas sûr de ce que je voulais faire. Je n’ai pas encore ce sentiment de dégoût des études et j’ai quand même envie d’y retourner, la question ça reste juste de savoir quand ? »
Actuellement en recherche d’emploi, il attend de trouver la bonne formation pour se remettre sur le chemin de l’école. Après son DU prepareo à l’université de Champs, Lorie a retenté l’expérience Parcoursup. Sa deuxième tentative, toujours en cours, en est pour l’instant à plus de 60 % de refus et le reste toujours en attente. « Je ne sais pas ce que je vais faire l’année prochaine si je n’ai pas d’école et sincèrement à la maison, on commence vraiment à en avoir marre là. ».
Pour Maëlys, après un an à travailler comme animatrice pour sa ville, elle a repostulé sur la plateforme et accepté une formation en BTS en économie sociale et solidaire, où elle entamera sa 2ᵉ année d’ici septembre. « J’ai hésité entre reprendre mes études et continuer à travailler pour être honnête, quitter un salaire pour commencer quelque chose de nouveau ou je n’étais pas sûre de m’épanouir, c’est assez dur. Mais j’ai quand même certaines aspirations professionnelles pour plus tard et il faut dire que j’ai pas mal été poussé par mes parents, donc je n’ai pas hésité plus que ça ».
Nour Habert