Dans le cadre de la sortie, sur les écrans français, du film « I am not your negro », le Bondy Blog a rencontré le réalisateur haïtien, Raoul Peck. Ce documentaire nous donne à voir et comprendre, à travers les mots puissants de l’écrivain afro-américain James Baldwin, les luttes sociales et politiques des Noirs Américains. Création artistique, racisme et discriminations en France et aux Etats-Unis, élection d’Emmanuel Macron, ont été au menu de cette heure d’entretien. Extrait de cette rencontre consacrée à la représentation des minorités et à la diversité.
Extraits de l’entretien avec Raoul Peck :
« Sans mémoire, on ne peut pas se battre »
« Ça me permet de donner des réponses à des problèmes auxquels je suis confronté. Je ne trouve pas mes histoires sur les écrans, ça fait partie d’un combat aussi, de ramener quelqu’un comme Patrice Lumumba et qu’un gamin de 12 ans puisse voir une histoire qui parle de sa propre histoire. On a plus de 100 ans de cinéma à rattraper, un cinéma où nous n’étions pas présents, quand je dis nous, c’est l’ensemble du tiers-monde. Sans mémoire, on ne peut pas se battre ».
« Quand John Wayne tue les indiens dans les films, quand, dans certains films français, on fait des blagues vaseuses sur les Arabes, les Noirs ou les Juifs, ça ne va pas très loin, qu’est-ce que voient nos enfants ? Quelles personnalités nous construisons ? »
« J’essaye faire des films qui ne soient pas des films pour une petite minorité. Je fais des films qui ont une vocation à être vus par tous, c’est là que se situe mon combat ».
Diversité : « On ne pose pas la question du pouvoir économique. Tout le reste, c’est cosmétique ! »
« Aujourd’hui, on dit « la diversité » »et on se contente de mettre quelques visages noirs ou arabes dans les émissions. Ce n’est pas ça la diversité. La diversité, c’est quand il y a des producteurs noirs, femmes ou arabes qui prennent les décisions et qui disent ‘on va faire cette émission bien précise’, on ne va pas simplement faire que du saupoudrage. C’est ça les vrais changements, ce sont des changements profonds. Combien de directeurs de médias viennent d’autres horizons ? Pratiquement aucun, c’est ça le pouvoir économique. C’est cette question-là qu’on ne pose pas. Tout le reste, c’est du cosmétique ! Malheureusement, beaucoup de gens se sont engouffrés dans cette filière parce que ça contente tout le monde. Bah oui, on a des représentants ici ou là, par contre on ne partage pas le pouvoir, c’est là la vraie bataille ».
Propos recueillis par Kozi PASTAKIA, Jonathan BAUDOIN, Mathieu VIVIANI et Nassira EL MOADDEM
Crédit photo : Hortense GIRAUD
Deuxième partie de l’entretien : « La France gère le racisme avec déni et paternalisme »