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Rien n’a changé ou presque. Depuis le mardi 10 décembre 2024, la Gaîté Lyrique est occupée par de nombreux mineurs en situation irrégulière, revendiquant leur droit au logement. Un certain nombre d’entre eux s’étaient auparavant réfugiés au parc de Belleville avant d’en être expulsés et d’investir les locaux de Gaîté lyrique.

Chaque jour, des dizaines d’entre eux sont refusés par les centres d’évaluation et rejoignent la salle de concert. Ils sont aujourd’hui près de 400, contre 250 mi-décembre dans l’attente d’une solution de logement pérenne. La Gaîté Lyrique ne refuse personne, c’est la règle d’or.

Ces jeunes sont légitimes à revendiquer un logement adéquat

« La situation est déplorable. Elle dépasse tout le monde. Normalement, la prise en charge est obligatoire quand tu es mineur en France. Ces jeunes sont légitimes à revendiquer un logement adéquat », regrette Luna Sancho, productrice de spectacles.

La Gaîté Lyrique a été contrainte de cesser toutes ses activités culturelles, dont les concerts. Cela pourrait mettre en danger la pérennité de l’équipement culturel parisien sur le long terme. Surtout, l’espace n’est pas adapté pour héberger un nombre aussi important de personnes. « L’État laisse la Gaîté Lyrique jouer son rôle. Le lieu n’est pas adapté pour accueillir 400 personnes », constate-t-elle.

À plusieurs reprises, La Gaîté Lyrique a appelé l’État et la Ville de Paris à une action concrète, mais rien n’a été proposé en retour. Il est impensable pour l’équipe du lieu de rejeter ces jeunes à la rue sans solution d’hébergement.

Une loterie solidaire en guise de soutien

Face à l’urgence, ADVM a lancé une loterie solidaire, avec les soutiens de l’entreprise Featuring et de sa bookeuse Luna Sancho, pour les jeunes exilés. Le rappeur doit se produire le 25 avril prochain dans la salle parisienne.

« On trouvait gênant de se dire engagé tout en maintenant en parallèle un concert à la Gaîté Lyrique dans les conditions actuelles. On ne voulait pas qu’il (ADVM) porte seul ce projet de loterie solidaire, c’est pourquoi on a fait appel à Featuring », explique Luna Sancho. Le concept de Featuring repose sur la collaboration entre les artistes et les fans pour collecter des fonds au profit d’associations caritatives.

L’idée était aussi de sensibiliser les publics des artistes

Les objectifs de la loterie sont clairs : offrir un soutien au collectif, subvenir à leurs besoins primordiaux, sensibiliser la population et dénoncer l’inaction des acteurs publics. « On est loin d’arriver à leur donner de quoi se nourrir pour une semaine entière. D’où l’importance de mobiliser et de faire un appel aux dons. L’idée était aussi de sensibiliser les publics des artistes, car la situation n’est pas bien comprise par tout le monde », poursuit-elle.

Plusieurs artistes issus du rap tricolore (Théodora, Yamê ou encore TIF) et labels de l’industrie ont rejoint la cause. Ainsi, des éléments de merchandising, des CDs ou encore des vinyles sont disponibles dans la loterie. Cela permet d’impliquer une diversité d’acteurs allant des artistes aux spectateurs.

Lire aussi. À la Gaîté Lyrique, les jeunes du parc de Belleville s’organisent contre les violences d’État

« On a envoyé un message à tous les artistes qui devaient se produire dans les prochains mois à la Gaîté Lyrique afin qu’ils apportent leur soutien à l’initiative. Tout le monde a été partant. Ça nous dépasse positivement. »

L’intégralité des fonds sera reversée au collectif des jeunes du Parc de Belleville. Pour le moment, 925 euros ont été récoltés grâce aux 102 participations. Il est possible d’effectuer un don directement sur le site de Featuring. La loterie est active jusqu’au jeudi 27 février.

Afin d’assurer plus de 400 repas chaque soir, le collectif doit, au minimum, dépenser 2 000 euros. Sur une semaine entière, cela grimpe jusqu’à 11 000 euros. Un véritable gouffre financier. Depuis le début de l’occupation, le collectif des jeunes du Parc de Belleville se finance essentiellement grâce à une cagnotte en ligne sur Helloasso et aux dons provenant des syndicats comme Sud Education.

Un avenir en pointillé

Avec la fin imminente de la trêve hivernale qui prendra effet le 31 mars prochain, l’avenir des 400 jeunes s’assombrit avec une expulsion en guise d’épée de Damoclès au-dessus de la tête. Le tribunal de Paris a ordonné leur évacuation sous un délai d’un mois ce jeudi 13 février. De son côté, la mairie de Paris a indiqué qu’elle ne ferait pas appel à la force publique pour que l’État puisse prendre ses responsabilités.

La seule manière de lutter pour l’égalité des droits, c’est de désobéir à cet Etat

Par un communiqué publié sur le compte Instagram du collectif des jeunes du parc de Belleville, lundi 17 février, et adressé à Léa Filoche (adjointe à la Mairie de Paris chargée des solidarités et de la lutte contre les inégalités et l’exclusion de l’hébergement d’urgence et la protection des réfugié-e), le collectif a dit sa détermination à poursuivre le combat.

« La seule manière de lutter pour l’égalité des droits, c’est de désobéir à cet État (…) Vous (L’État et la Mairie de Paris) choisissez de laisser ces jeunes à la rue et refusez de travailler à la pérennisation de ces places dans des structures d’accueil adaptées avec un vrai suivi. (…) Notre objectif reste inchangé, nous vous demandons à nouveau d’être reçus en délégation pour discuter d’une solution digne de ce nom », peut-on lire dans la lettre ouverte. Des solutions d’hébergement pérennes et dignes sont espérées dans les prochains jours.

Curtis Macé 

Photo : La Gaîté Lyrique / ADVM

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